mardi 15 mai 2007

El Topo


"Même si je gagne, ce sera une défaite."

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Produit et tourné dans des conditions résolument rocambolesques, El Topo constitue, sans aucun doute, un film unique à presque tous les sens du terme. Anti-western métaphorique et démystificateur, inclassable du cinéma aux côtés du Chien Andalou de Luis Buñuel, il déconcerte paradoxalement davantage par son indéchiffrable narration aux multiples et anarchiques retournements que par ses libertés morales ou ses outrances visuelles. Longtemps resté confidentiel, le "Prix spécial du jury" du Festival d'Avoriaz 1974 fait pourtant l'objet d'un véritable culte au même titre que Night of the Living Dead de George A. Romero, Pink Flamingos de John Waters ou Eraserhead de David Lynch.
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Pistolero tout de noir vêtu, El Topo, accompagné de son jeune fils entièrement nu, découvre en chemin les habitants et les animaux massacrés d'un village. A la recherche des auteurs de ce sauvage forfait, il trouve un colonel et ses hommes dans un monastère franciscain occupés à humilier ses occupants. Après avoir châtié les criminels, El Topo reprend sa route en laissant son fils sur place mais avec la belle jeune femme qu'il a libérée et qu'il baptise Mara. Celle-ci l'incite, pour lui prouver son amour, à affronter successivement en duel quatre grands maîtres du revolver installés dans le désert.
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L'erreur à ne pas commettre avec ce deuxième long métrage d'Alejandro Jodorowsky serait de le prendre au sérieux. D'ailleurs, peut-on "prendre" El Topo ? Ce film est, par essence, insaisissable. Farce burlesque, satire théologique et sociale, drame humain, il semble ne répondre qu'à sa logique propre. Dans cet évangile révisé, le réalisateur viole-t-il vraiment le sacré pour sacraliser le profane ? Jodorowsky fait-il du héros absurde et dérisoire qu'il choisit d'interpréter lui-même dans la première partie** l'étrange dieu, roi des infirmes, de la parousie chrétienne ? El Topo séduit parce qu'il reste profondément énigmatique.
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*partiellement réalisé dans des décors abandonnés de Day of the Evil Gun.
**la structure générale en deux parties est elle-même décomposée en cinq actes, un premier acte sans titre puis "genesis" (genèse), "profetas" (prophètes), "salmos" (psaumes) et "apocalipsis" (apocalypse). 

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