mercredi 18 octobre 2006

Meshi (le repas)


"Les couples se comprennent peut-être sans mots."

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Le cinéma de Mikio Naruse est rare. Pas seulement parce que ce grand cinéaste et ses films sont peu diffusés et donc peu connus, mais avant tout en raison de sa qualité. Comme son ami Yasujirô Ozu, Naruse est un spécialiste du Shômin geki, genre centré sur la vie quotidienne du petit peuple japonais. L'ancien assistant de Heinosuke Gosho a acquis sa notoriété de réalisateur bien avant d'être entré à la Tôhô, dès le muet Koshiben gambare (1931) et Tsuma yo bara no yo ni (1935). Avec Meshi, qui appartient au sous-genre Tsuma-mono (film sur les femmes), il initie une série de six (cinq plus une) adaptations de l'œuvre de la romancière Fumiko Hayashi. Il s'agit du dernier ouvrage, resté inachevé, de l'auteur décédé en 1951. Le film et son actrice principale notamment ont été récompensés à plusieurs reprises dans leur pays.
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Michiyo et Hatsunosuke Okamoto sont mariés depuis cinq ans. Le couple à quitté Tokyo pour venir vivre dans le tranquille quartier sud d'Osaka, ville où Hatsunosuke, modeste agent de change, a été muté trois ans auparavant. Michiyo s'accommode de la relative faiblesse des ressources du ménage mais elle souffre de la routine de sa situation de femme mariée au foyer et de l'indifférence de son époux. C'est dans ce contexte de remise en question que se présente Satoko, la nièce d'Hatsunosuke, fuyant ses parents et un mariage arrangé dont elle ne veut pas*. Michiyo est très vite surprise et contrariée par la sollicitude réciproque de son mari et de sa jeune parente. Elle décide alors de rendre visite à sa mère à Tokyo.
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"J'aime irrésistiblement les actes splendidement pitoyables des hommes, perdus dans l'immensité infinie de l'univers." Mikio Naruse, en choisissant de mettre en exergue cette citation du roman de Fumiko Hayashi au début de Meshi, contredit ceux qui ne voit dans son œuvre que pessimisme et désabusement. Cette chronique conjugale et familiale, simple, ordinaire pourrait-on dire, est au contraire la preuve d'un profond humanisme. Le cinéaste dépeint avec intelligence et une infinie délicatesse le trouble et les hésitations d'une jeune (et encore belle !) femme mariée, aux idéaux peut-être trop exacerbés. Son parcours et sa résolution finale hérisseront, certes, le poil de la première féministe venue. Mais l'on prend un grand plaisir à voir s'étoffer progressivement la psychologie des personnages, y compris secondaires, dont Naruse a remarquablement su traduire l'esprit avec un réalisme poétique. On se délecte de son empathie pour eux, de la fluidité avec laquelle il narre cette histoire (dont Fûfu, deux ans plus tard, lui permettra d'explorer une situation inversée) et les met en scène, de la manière dont il laisse certaines questions sans réponse. Réalisateur du doute comme Yasujirô Ozu est celui de l'évidence et de la conviction, Naruse est probablement plus intimement lié, plus représentatif de son époque et à la fois universel que son honorable confrère de la Shochiku.
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*dans Bakushû, sorti la même année, c'est Setsuko Hara qui refuse un tel mariage pour épouser un homme modeste.

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