mercredi 25 octobre 2006

Lili Marleen


"Das Mädchen unter der Laterne"

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De prime abord, Lili Marleen ressemble assez peu à une œuvre de Rainer Werner Fassbinder. Très confortablement dotée sur le plan budgétaire (cinq fois celui de Die Ehe der Maria Braun), cette production s'apparente davantage à un film de pur divertissement, sorte d'hommage mélodramatique à Douglas Sirk que le réalisateur trentenaire appréciait tant, qu'à un essai cinématographique à vocation sociale et/ou politique comme ceux qui ont marqué sa carrière au cours des années 1970. Cependant, derrière cette histoire d'une chanson et cette romance inspirées par l'autobiographie de la comédienne et chanteuse allemande Lale Andersen, "Der Himmel hat viele Farben" (le ciel est empli de couleurs), se dissimulent le destin d'une femme et celui d'un pays, une thématique authentiquement fassbindèrienne. Celle-ci traverse d'ailleurs quatre films de cette dernière période du cinéaste, Die Ehe der Maria Braun déjà cité et probable meilleur opus de la série, Lola sorti la même année que Lili Marleen et Die Sehnsucht der Veronika Voss, pénultième production du réalisateur.
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Zurich, 1938. Willie, une chanteuse de cabaret, est la maîtresse de Robert, un jeune compositeur issu d'une riche famille juive de la ville. Celui-ci participe également aux opérations de l'organisation clandestine dirigée par son père, l'influent avocat David Mendelsson, destinées à permettre à certains ressortissants allemands de quitter leur pays grâce à de faux papiers. Au cours de l'un de ses voyages à Munich, Robert emmène Willie avec lui, présentée comme sa fiancée. A leur retour, la jeune femme née en Allemagne est refoulée par la douane suisse. Malgré leurs tentatives respectives pour contrarier cette décision administrative orchestrée en sous-main par David Mendelsson, les amants sont séparés. Pour survivre, Willie se rend chez Hans Henkel, rencontré peu de temps auparavant dans le cabaret zurichois, lequel la recommande auprès du patron du "Simpl", un modeste estaminet où sa première apparition déclenche une bagarre générale. L'officier Henkel lui propose d'enregistrer sa chanson "Lili Marleen". Le disque est un échec mais, une fois la guerre déclenchée, la chanson est diffusée par la radio militaire allemande de Belgrade aux soldats de la Wehrmacht, rencontrant cette fois un très grand succès.
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"J'espère vivre assez longtemps pour réaliser une douzaine de films qui recomposeraient l'Allemagne dans sa globalité, telle que je la vois. Chacun représenterait une étape, même si l'ordre chronologique n'est pas respecté. Lili Marleen est mon premier sujet sur le IIIe Reich, ce ne sera pas le dernier." Le vœu, exprimé en avril 1981 dans une interview à un quotidien français, ne s'est pas réalisé, le cinéaste décédant un peu plus d'un an plus tard. Mais en plus de quarante films réalisés en seize ans, on peut raisonnablement affirmer que Fassbinder a atteint une bonne partie de son ambition. Surtout si l'on tient compte de l'influence qu'il a exercé sur le cinéma de son pays. En adaptant à l'écran l'ouvrage de Lale Andersen, il ne fait pas œuvre d'historiographe. Sa relation de la période 1938-1945 en Allemagne est fortement condensée, dédramatisée, tour à tour symbolique à travers l'ascension d'une artiste sans réel talent et satirique par les futiles (en)jeux politiques qui y sont dépeints. Sur le thème goethien du compromis diabolique, Lili Marleen est nettement moins percutant que le remarquable Mephisto du Hongrois István Szabó sorti également en 1981. Engagé dans son désengagement, ce film paradoxal, centré sur un personnage qui ne l'est pas moins, est une manière de tenter de répondre à la lancinante question qui anime son parcours : "où suis-je dans l'histoire de mon pays ? Pourquoi suis-je allemand ?"

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