jeudi 19 octobre 2006

Dans Paris


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Dans Paris, c'est d'abord la chaleur d'un lit partagé à 3, puis l'aparté sur le balcon de l'un d'entre eux se présentant au spectateur comme le narrateur officiel du film. Déroutant. Ensuite, immersion en flash-back mais sans voix-off, dans l'intimité amoureuse du frère du narrateur, où s'opère l'éclatement de son couple. Ça se passe en hiver, à la campagne sur fond de "l'espace-à-deux-c'est-confiné". Ainsi se succèdent des scènes de ménage au cours desquelles la communication saute en jump-cut, comme un disque rayé. Le jeu des conjoints qui s'éconduisent est théâtral, l'amour est désaveu. De retour à Paris, on est content d'être de retour dans la chaleur d'un lit, même dans celui de l'aîné en mal d'aimer, ou dans celui version canapé que le cadet occupe et que le père matinal vient squatter. On est plus à l'aise ici, entre ces deux frères complémentaires et en présence d'un père inquiet de voir ses petits quitter le nid pour y revenir les plumes en vrac. Les sentiments du paternel s'expriment avec une maladresse gorgée de tendresse. Entre les deux frères, la communication est fluide, et c'est leur échange touchant qui viendra clore le film. Enfin à ce trio d'hommes vient se greffer la mère, le temps d'un petit tour, et puis s'en va. Une autre femme pourtant va intégrer leur monde, et ce, sous les traits de la sœur. Une sœur dont on apprend l'existence antérieure puis la mort tragique, et qui semble réincarnée en la présence de l' "ex-future" du frère cadet. Celle-ci rapplique un soir dans l'intimité familiale, s'immisce dans la chambre des deux jeunes héros, au cœur de leur fraternité. La scène d'ouverture du film, les deux partageant leur lit avec elle, fait sens : le trio originel est reformé.
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Dans ce film, Paris est perçu par un œil impressionniste ; la ville se dévoile par touches et en mouvement. Elle se découvre au fil des actions des personnages, et dans la façon dont ils habitent ses trottoirs. Pour le cadet, Paris est un lieu de rencontres et un formidable terrain de jeu. La ville est ludique, beauté et mouvement, comme les femmes et les monuments ; en référence au jeu de pose du jeune frère et de sa belle au côté du dôme des Invalides. Au frère aîné, Paris offre son versant sombre ; la Seine n'est pas un fleuve que l'on contemple mais une béance dans laquelle on se jette ! Irruption de l'imprévu, hymne au passage d'un état à un autre auquel la ville et Dans Paris invite.
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Le propre du cinéma est de fonctionner sur le même principe que dans la vie, à savoir sur le mode de l'apparition et de la disparition. C'est donc le propre d'un film et le cas de ce film en particulier que d'intégrer ce principe dans son histoire, et son style. Le montage de Dans Paris est renversant, il joue à faire apparaître, disparaître et réapparaître les personnages sans continuité chronologique apparente. L'unité de temps est fractionnée, le temps est épars. Le film en effet se déroule au rythme de l'élan vital. Il donne à voir les variantes et sautes d'humeur qui le teintent, par le duo de frères opposés par leur état. Au cadet le mouvement, la légéreté, la joie de vivre, mais aussi la fuite ! Pour l'aîné en difficulté, c'est l'immobilité, l'hébétement, la tristesse... et la maturité. Ils évoluent selon deux dynamiques opposées, et l'aîné peu à peu, va sortir de son enfermement et extérioriser sa souffrance par la parole, chant inclus.
Qui honore l'élan de vie des hommes, et le filme avec audace, soit avec désir de renouveler la "grammaire du cinéma", s'inscrit dans la lignée de la Nouvelle Vague. Soit. Mais rattacher ce film à un courant du passé, c'est déjà en quelque sorte lui dénier sa singularité. Bien sûr toute œuvre s'inscrit dans une lignée, mais les formes changent, plus ou moins, et il s'agit de les interroger, de leur trouver une terminologie adéquate. Dans Paris est un film à part, d'un cinéma en mouvement.
Critique rédigée par ADel

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