mardi 5 septembre 2006

Cronaca di un amore (chronique d'un amour)


"Les caprices peuvent-ils s'expliquer ?"

Néoréaliste, le premier long métrage, de fiction de surcroit, de Michelangelo Antonioni ? Pas vraiment. Si le climat si particulier de l'Italie d'après-guerre reste sensible dans Cronaca di un amore, le cinéaste né à Ferrara laisse d'emblée apparaître cette différence qu'il cultivera tout au long de sa carrière. Une manière peut-être également de rompre avec la longue série de courts documentaires qu'il avait réalisé jusque là. Venant après La Terra trema de l'ami Visconti et Ladri di biciclette de Vittorio De Sica, cette troisième et plus notable production d'une fugitive société de distribution n'a pas véritablement marqué le public et son époque. Mais elle préfigure plusieurs thématiques chères à Antonioni et souligne les principaux traits stylistiques qui vont caractériser l'œuvre du réalisateur.
Milan 1950. Sept ans après son mariage, Enrico Fontana, un riche industriel du secteur textile, demande à une agence spécialisée de mener une enquête sur le passé de sa jeune et belle épouse Paola dont il ne sait rien. Un détective se rend à Ferrare, la ville où celle-ci est née et à grandi. Se faisant passer pour un ami du père de l'intéressée, il obtient par l'amant de Matilde Galvani, une amie de Paola, quelques précieux renseignements, notamment le nom du grand amour de la jeune femme à cette époque, Guido. Ce dernier était fiancé à une autre de ses camarades, Giovanna Carlini, avant qu'elle ne soit victime d'un surprenant accident. Suspicieuse, Matilde envoie une lettre à Guido pour l'avertir de la visite et lui demander d'en informer Paola. Cette rencontre entre les deux anciens amants va attiser les braises d'une passion qui ne s'était pas éteinte.
Drame psychologique se donnant de faux airs de film noir*, Cronaca di un amore ne peut rivaliser, au moins sur plan narratif, avec Ossessione de Visconti**, The Postman Always Rings Twice de Tay Garnett ou Double Indemnity de Wilder tous tirés de romans de James M. Cain et qui l'ont précédé. Ce qui fait, à ce niveau, l'intérêt du film d'Antonioni réside surtout dans l'antagonisme social sur lequel renaît l'amour entre les deux principaux personnages. Bien que lassée par le futile pouvoir donné par l'argent de son mari et par les mondanités associées, Paola n'y renonce pas pour autant afin de suivre son amant appartenant lui aux déshérités de la reconstruction du pays. Elle va même l'utiliser pour tenter de le garder, le manipuler, en un mot le dominer. Cet insidieux malaise existentiel, cette épreuve de la relation amoureuse que l'on retrouvera dans plusieurs de ses films suivants, le cinéaste les rend davantage vivaces par les lieux, souvent déserts et dominés par la figure verticale, que par les dialogues. La composition de la mise en scène est remarquablement soignée avec un recours au plan séquence qui accentue encore l'impression de langueur déjà évoquée. A défaut de Gene Tierney, rêvée pour le rôle par Antonioni, Lucia Bosè offre, dans son deuxième film, une belle et convaincante prestation aux côtés de l'expérimenté Massimo Girotti.
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*sans comparaison possible avec le contemporain Asphalt Jungle.
**avec Massimo Girotti également.

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