mercredi 9 août 2006

My Own Private Idaho


"... I have to turn away."

Venant après Drugstore Cowboy, le troisième long métrage de Gus Van Sant a tôt fait de cataloguer le réalisateur parmi les cinéastes de la marginalité. Une grave erreur d'appréciation car My Own Private Idaho, comme le film précédent, n'est en rien une complaisante peinture sociale, légèrement affectée mais, au contraire, un authentique drame, ambitieux et provocateur. Il est aussi l'un des films les plus personnels du natif de Louisville, l'influence de son passage, au cours des années 1970, à la Rhode Island School of Design y semblant le plus manifeste. Présenté à la Mostra de Venise 1991, My Own Private Idaho reçut la même année le "Prix de la critique" des festivals de Toronto et de Deauville.
Mike Waters, un jeune homosexuel narcoleptique, se prostitue à Seattle. Chez Alena, une cliente qui lui rappelle vaguement sa mère, perdue de vue depuis longtemps, il retrouve Scott Favor, un de ses compagnons de trottoir et le fils du maire de Portland. De retour dans la ville de l'Oregon, Mike, Scott et la petite famille de la rue accueillent comme il se doit Bob Pigeon, le mentor de Scott revenant d'un séjour à Boise. Une descente de la police dans le squat qu'occupe le groupe incite Scott à avoir une courte entrevue avec son père paraplégique et cardiaque. Lui et Mike prennent ensuite la route en moto pour se rendre en Idaho, à la recherche de la mère de ce dernier.
Le scénario du film résulte, on le sait, de la fusion de deux projets, l'un sur le milieu gay de Portland où réside Van Sant, l'autre inspiré de la première partie du "Henry IV" de Shakespeare. L'inspiration tirée du drame historique de l'auteur britannique demeure, somme toute, modeste, surtout comparée à celle visiblement exercée par le pape de l'underground des années 1960, Andy Warhol. Avec My Own Private Idaho, le cinéaste originaire du Kentucky narre une histoire originale, celle d'une amitié particulière entre deux individus que, malgré les apparences, tout semble séparer. Récit également et surtout d'un itinéraire vers la normalité, programmé pour l'un des protagonistes, désiré avec obsession pour l'autre, dans lequel la famille, l'un des thèmes favoris de Van Sant, tient un rôle essentiel. La réalisation joue habilement de l'alternance entre réalisme quasiment documentaire (confession de membres de la bande de Portland par exemple) et lyrisme résolument graphique. Si le film n'a pas la force du chef-d'œuvre de John Schlesinger, Midnight Cowboy, il constitue, avec Good Will Hunting et Drugstore Cowboy, l'une des meilleures fictions de Gus Van Sant, notamment grâce à l'interprétation de River Phoenix, soulignée à juste titre par la "Coppa Volpi" qui lui a été décernée.

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