mardi 1 août 2006

King Kong


"... To defeat the thing which makes him afraid."

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Lorsque le père cinématographique de la Trilogie de l'anneau a annoncé, fin 2003, la mise en chantier d'un remake de King Kong, l'information a immédiatement suscité à la fois un réel enthousiasme et une certain crainte. Fort de son triple succès planétaire, Peter Jackson semblait alors le seul réalisateur susceptible de s'atteler à un tel projet avec une authentique ambition artistique. Il empochait aussi, au passage, pour réaliser un rêve de gosse, un salaire de dix pour-cent d'un budget estimé à plus de deux cent millions de dollars, le plus élevé jamais versé par un studio en phase de production. Mais s'attaquer au mythe de Cooper et Schoedsack comme l'avait fait, près de trente ans auparavant, John Guillermin n'était pas une mince affaire. Et les progrès fulgurants des effets spéciaux constituent, on le sait à présent, une arme à double tranchant.
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Le film qui devait détrôner Titanic au box office connaît d'ailleurs des recettes nettement inférieures à celles des épisodes de la Trilogie, finissant cinquième à celui de l'année 2005* et cinquante-troisième au général**, bien loin d'E.T. The Extra-Terrestrial, le meilleur titre Universal aux Etats-Unis à ce jour. Pour "couronner" le tout, Kong a fait de la figuration aux Academy Awards 2006, absent des catégories reines et ne repartant qu'avec trois trophées techniques. Le film du cinéaste néo-zélandais a partagé l'opinion ; il constitue, sans aucun doute, une nouvelle référence dans le genre mais il n'a pas défait l'original.
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New York, 1933. Les Etats-Unis sont en pleine crise économique et sociale. Ann Darrow, une artiste de music-hall, voit son théâtre brutalement fermer. Déjà sans salaire depuis deux semaines, elle se retrouve désormais sans travail. Sollicitant le producteur d'une pièce de Jack Driscoll dont elle connaît l'un des rôles, elle se voit opposer un refus et suggérer d'aller voir un metteur en scène de spectacles pour adultes. Dans le même temps, le réalisateur Carl Denham voyant sa projection interrompue par ses producteurs, décidés à mettre un terme à leur projet en cours, choisit de s'enfuir avec ses bobines et son matériel. Avant d'embarquer précipitamment à bord du "S.S. Venture" en partance pour l'Océan Indien, Denham rencontre Ann qu'il convainc de remplacer sa vedette défaillante.
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Sur le navire, Jack Driscoll termine la rédaction d'un court scénario et Denham s'arrange pour l'empêcher de débarquer avant l'appareillage. Pendant le voyage, Ann et Driscoll s'éprennent l'un de l'autre. A proximité de Skull Island, décor choisi pour son film, Denham constate que le bateau change de cap, le capitaine Englehorn venant en effet de recevoir l'ordre d'emmener le cinéaste à Rangoon par un mandat international lancé contre lui par ses producteurs. Mais le compas s'affole soudain alors que se présente une zone fortement brumeuse et qu'apparaît bientôt une falaise sur laquelle va s'échouer le navire. Denham et son équipe abordent aussitôt dans l'île en chaloupe.
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Aventurier notoire, Merian C. Cooper, comme Denham, souhaitait tourner un film sur les gorilles mais ne trouvait pas de producteur susceptible de financer un voyage en Afrique. Par ailleurs, depuis les années 1920, plusieurs expéditions faisaient état de créatures mystérieuses et terrifiantes découvertes dans les îles de Sumatra. L'idée vint alors au cinéaste de réaliser un film qui associerait les deux éléments, un grand singe aux origines préhistoriques transplanté dans une cité contemporaine. La base du scénario de King Kong prenait forme. Mais une seconde lecture de l'animal devenu mythique peut être faite à la lumière de la psychanalyse. L'époque est en effet celle de la seconde topique de Freud dans laquelle celui-ci développait les concepts révolutionnaires de "Ca" et de "Surmoi". King Kong, présenté à sa sorti comme un film d'horreur, est probablement une représentation métaphorique (et érectile***) de ces notions inconscientes à forte connotation sexuelle.
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La version de Peter Jackson a gommé cette composante érotique essentielle pour s'intéresser davantage à la psychologie des personnages (même si certains aspects de l'héroïne et du jeune Jimmy sont laissés dans l'ombre) et, surtout, à l'action dans les deuxième et troisième parties. A environ une heure d'exposition à New York et sur le navire, succèdent de multiples péripéties, dès l'échouage surnaturel sur les récifs de Skull Island qui ressemble d'ailleurs fort à celui vécu par les futurs victimes de The Most Dangerous Game tourné par Ernest B. Schoedsack avec Fay Wray dans les décors du King Kong à venir. A ce titre, on peut paradoxalement reprocher à Jackson d'avoir pris son remake très au sérieux, d'en faire un peu trop et d'oublier cette nécessaire apparente simplicité qui caractérise les chefs-d'œuvre ou suscite spontanément l'engouement comme ce fut le cas, il y a plus de vingt ans, pour Raiders of the Lost Ark. Le film présente cependant de réelles faiblesses dans la réalisation comme par exemple la vue générale sur le village indigène aux accents numériques trop prononcés ou la grotesque poursuite par les Brontosaures et les Venatosaurus très en deçà des prouesses d'ILM pour Jurassic Park.
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Après le "monument" historique (et hystérique !) original et le premier remake anecdotique de John Guillermin, Jackson nous livre néanmoins un film de divertissement efficace, à défaut d'être abouti, et plaisant. Le cinéaste accentue, plus que ses prédécesseurs, la dimension "humaine" de la "bête" et l'équilibre de sa relation avec la "belle" sur laquelle il a porté son dévolu, cela dès l'instant où celle-ci s'est volontairement placée sous sa protection. Kong n'est plus véritablement le monstre séduit, au désir primaire, qu'il était auparavant et apparaît moins redoutable que certains de ses bourreaux, à l'époque même où germait la plus effroyable barbarie qu'allait connaître l'humanité.
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*derrière Revenge of the Sith (Fox), The Chronicles of Narnia (Buena Vista), Goblet of Fire (Warner) et War of the Worlds (Paramount).
**34e et devancé par l'autre production-maison Jurassic Park (7e), si l'on tient compte des recettes mondiales.
***si on le compare à son environnement, la taille de Kong varie, durant le film, d'environ six mètres dans l'île, un peu plus de sept sur la scène du théâtre à presque vingt au sommet de l'Empire State Building.

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