mercredi 21 juin 2006

The Dead (les gens de dublin)


"... Upon all the living, and the dead."

L'un des multiples talents de John Huston est d'avoir réussi à porter au cinéma, avec une certaine constance qualitative, des œuvres littéraires aussi différentes que les polars de Dashiell Hammett et de W.R. Burnett, les romans d'Herman Melville et de Tennessee Williams ou encore un fragment de la production, réputée inadaptable, de James Joyce. The Dead, dont l'ironie du sort a voulu qu'il sorte après le décès du cinéaste, est tiré de la courte nouvelle éponyme sur laquelle se referme le recueil "Dubliners" de l'auteur irlandais, publié en 1914. Nommé pour son scénario et pour ses costumes aux Academy Awards, il fut désigné meilleur film étranger* par le Syndicat français de la critique en 1988.
Dublin, 1904. Fidèles à leur habitude, les sœurs Kate et Julia Morkan et leur nièce Mary Jane organisent chez elles un dîner de l'épiphanie où sont conviés parents et amis. Parmi les invités figurent le neveu Gabriel Conroy et son épouse Gretta qui résident en Angleterre, trois des élèves pianistes de Mary Jane, Mr. Browne, le ténor Bartell D'Arcy, la vieille Mrs. Malins, vivant désormais chez sa fille en Ecosse, et son fils Freddy qui, fidèle à sa réputation, a pris un peu d'avance dans la consommation de boissons alcoolisées. L'assemblée danse, se désaltère, discute. Mary Jane consent à jouer une pièce pour piano, Mr. Grace récite un étrange poème intitulé "Broken vows", Conroy révise son discours de remerciement et Julia interprète une chanson de Bellini. Au moment de passer à table, Molly Ivors quitte le groupe pour aller assister à une réunion républicaine au cours de laquelle James Connolly doit prendre la parole.
Plus que sur la mort ou les morts, The Dead est une courte mais profonde méditation sur la vie. Le film est d'ailleurs construit en cinq actes, chacun symbolisant les âges de l'homme (naissance, jeunesse, maturité, vieillesse et trépas). Et comme pour l'existence, c'est au moment de sa conclusion que les événements précédents prennent tout leur sens. Cependant, le caractère singulier de cette existence, que sait si bien rendre la mise en scène de John Huston, c'est qu'elle semble ne constituer, à l'image du rituel dîner des sœurs Morkan, qu'une parenthèse au milieu du néant. Le passé et son influence sont évidemment omniprésents tout au long du film, du temps de la conjugaison des verbes dans les dialogues au récit final en passant par cette belle et délicate exploration fantomatique dans une chambre pendant l'exécution de l'extrait lyrique par Julia.
Il faut être attentif aux menus détails du scénario, jusque dans les libertés d'adaptation, fidèles à l'esprit de Joyce, que se sont autorisé Huston et son fils, à la variété des axes de prises de vues associés avec une infinie suavité et une impressionnante fluidité. La distribution, solide et homogène, contribue aussi grandement à la qualité du film, avec une mention particulière pour les interprétations d'Anjelica Huston, de Donal Donnelly et de (l'homme des serials) Sean McClory.
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*ex æquo avec Out of Rosenheim de l'Allemand Percy Adlon.



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