jeudi 22 juin 2006

L'Enfer


"... Je me suis perdu en cherchant."

Le second long métrage de Danis Tanovic constitue une double surprise. La première pour ceux qui ont vu le précédent, No Man's Land, encensé par la critique et récompensé par de nombreux prix* parmi lesquels une "Palme" du meilleur scénario à Cannes. La tonalité et le traitement apportés à L'Enfer y sont, en effet, significativement, pour ne pas dire diamétralement, opposés. La seconde en tant que deuxième volet de la nouvelle trilogie imaginée par Krzysztof Kieslowski peu de temps avant son décès. Comme pour Heaven**, la production internationale montée par les frères Weinstein confiée aux bons soins du réalisateur allemand Tom Tykwer, le film du cinéaste bosniaque se situe assez loin des œuvres de son aîné, Décalogue et trilogie des Couleurs notamment. Il convient donc de regarder L'Enfer avec, si j'ose dire, un œil neuf si l'on veut se donner les meilleurs chances de l'apprécier.
Sophie, Céline et Anne Cotie sont trois sœurs que le destin ou le hasard a séparées. L'aînée est la mère de deux enfants et l'épouse de Pierre, un photographe qui la trompe avec l'une de ses clientes. La cadette, célibataire et ingénue, vend des assurances et rend régulièrement visite à sa mère, impotente et muette, dans l'établissement spécialisé du Loiret où elle a été placée. La plus jeune est étudiante à la Sorbonne et amoureuse passionnée de l'un de ses professeurs, Frédéric Bache , marié et père de famille, bien décidé à mettre un terme à cette absurde relation adultère. Céline est un jour abordée dans la rue, puis une autre fois dans un bar par Sébastien Floret, un étrange et séduisant jeune homme dont elle comprend mal l'insistance un peu gauche. Celle de lui faire une révélation capitale à propos d'un drame qui a bouleversé sa famille lorsqu'elle était une enfant.
Même dans les conditions évoquées plus haut, il est bien difficile de montrer de l'enthousiasme pour le film de Tanovic. Il ne manque certes pas de qualités mais le charme de ces histoires parallèles de femmes, influencées par le mythe de l'infanticide Médée, n'opère pas vraiment. Le scénario souffre d'évidentes faiblesses et la stylisation, un peu affectée, de la mise en scène finit par indisposer. Le prestigieux casting, réunissant notamment trois actrices n'ayant jamais joué ensemble, ne convainc pas davantage. Les rôles principaux et leur interprétation sont fades, les personnages secondaires anecdotiques (pour ne pas dire insignifiants comme ces Julie et Louis confiés respectivement à Maryam d'Abo et Jean Rochefort). Seuls Carole Bouquet, pendant la scène en flash-back, et Guillaume Canet donnent de fugitives couleurs à cette pâle musique de chambre désaccordée. A propos de musique, il faut souligner la forte parenté sonore des compositions de Tanovic et Dusko Segvic avec celles qui rythment les intrigues, reposant également sur des secrets de famille, chabroliennes, ramenant à la mémoire l'étouffante et fiévreuse atmosphère du très bon film homonyme du réalisateur, déjà avec Emmanuelle Béart. Tanovic ne hisse finalement pas cet Enfer à hauteur de celui qu'il illustre de manière étrange et symbolique pendant le générique d'ouverture. Aurait-il dû choisir "Le Purgatoire"*** ?
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*meilleur film étranger aux Academy Awards et Golden Globes, "César" de la première œuvre...
**un cuisant échec commercial... qui possède malgré tout ses partisans.
***dont le décor devait être, selon Kieslowski, l'ex-Yougolslavie.

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