mercredi 21 juin 2006

Kakushi-toride no san-akunin (la forteresse cachée)


"Notre vie, qu'elle s'embrase comme le feu..."

Ce premier film en Scope d'Akira Kurosawa est aussi une des œuvres les plus insolites de sa carrière. Tourné après Kumonosu jô et Donzoko, deux adaptations de tragédies classiques de la littérature, Kakushi-toride no san-akunin ne manque pas de surprendre par sa tonalité de comédie dramatique. Ce film d'aventure épique, apparemment situé pendant la période Sengoku, possède d'indéniables faux airs de western moderne, alors que s'achève l'âge d'or de ce genre aux Etats-Unis. Impression renforcée par la traduction littérale du titre. Il semble que le cinéaste ait voulu, avec un succès populaire, se donner les moyens de productions plus personnelles. Kurosawa créera d'ailleurs, aussitôt après, sa propre structure de financement, active jusqu'à Akahige lorsque éclate la profonde crise rencontrée par le cinéma japonais. La qualité de Kakushi-toride no san-akunin ne dépare pas pour autant la filmographie de son réalisateur, récompensé par un "Ours d'argent" à la Berlinale 1959.
Deux paysans, Tahei et Matashichi, devenus volontairement soldats, ont réussi à échapper à l'armée Yamana où ils étaient prisonniers. Ils cherchent à présent à regagner leur village en terres Hayakawa mais la frontière avec le fief Akizuki défait est bouclé par les troupes victorieuses. En essayant de trouver une vois d'accès, les deux hommes trouvent une mince barre d'or, portant le symbole Akizuki, dissimulée dans une branche. Convaincus qu'il s'agit d'un spécimen du trésor disparu en même temps que l'héritière du clan, recherchée par l'occupant, ils tentent aussitôt de le trouver. Mais surpris puis suivis par un inconnu, Tahei et Matashichi déclarent ne vouloir que retourner chez eux en passant par la province Yamana. Trouvant l'idée excellente, celui qui se présente bientôt comme le général Makabé Rokurota leur demande alors de l'aider à y faire passer le trésor, caché dans une forteresse perdue dans les montagnes et où se trouve également la princesse Akizuki.
Produit par Sanezumi Fujimoto, collaborateur de Naruse avec lequel travaillera aussi Ryuzo Kikushima qui vient ici renforcer l'équipe de scénaristes de Shichinin no samurai, Kakushi-toride no san-akunin propose donc un matériel narratif inversé par rapport à ce dernier. La cupidité de deux paysans peureux, volontiers antagonistes, opportunistes et imprévisibles se met au service d'une entreprise salvatrice menée par un puissant samouraï d'une loyauté absolue à l'égard de sa princesse déchue. Ce contraste situationnel fait, avec les nombreuses séquences de pur humour, tout le prix spécifique du film. Kurosawa s'amuse, en outre, à brouiller les pistes, le point de vue initial des deux acolytes alternant régulièrement avec celui du fidèle général.
L'utilisation du nouveau format constitue l'autre atout décisif de Kakushi-toride no san-akunin. Le réalisateur a immédiatement compris tout le bénéfice qu'il pouvait tirer de cet espace élargi. D'abord en la mettant à l'œuvre de manière spectaculaire dès la scène de révolte des prisonniers du début du film. Puis en testant, en soulignant sa plus-value esthétique en plaçant symétriquement des personnages aux extrémités de l'image. Le maître japonais parfait également son dispositif de tournage à caméras multiples, donnant notamment à la scène de poursuite à cheval une vitalité et une précision uniques. 

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