jeudi 1 juin 2006

Factotum


"If you're goin' to try, go all the way."

Difficile de résister à la tentation de comparer ce quatrième long métrage, le premier produit et réalisé aux Etats-Unis, du Norvégien Bent Hamer, avec le film de Ferreri également tiré de la production littéraire de Charles Bukowski. Un rapprochement d'autant plus aisé qu'ils font tous les deux l'objet d'une édition vidéo presque concomitante. Et bien nous ne le ferons pas, enfin, pas tout de suite ! Factotum, librement adapté de l'ouvrage éponyme paru en 1975, apporte, en tous cas, une preuve supplémentaire de la faible cinégénie des récits dues à la plume trempée dans l'alcool de 'Buk'. Ce qui n'empêcha pas le film de faire partie de la sélection de la Quinzaine des réalisateurs l'année dernière.
Henry 'Hank' Chinaski n'est pas foutu de garder un job. Il est vrai que l'écrivain sans éditeur est constamment assoiffé et que les bars ne manquent pas à proximité de ses lieux de travail. Découpeur de glace alimentaire, il a le malheur de remplacer un livreur dont la première destination est... un débit de boissons. Viré, il est candidat pour être chauffeur de taxi mais son passé d'ivrogne, au volant inclus, le rattrape et il est recalé. Il travaille sur une ligne de conditionnement de pickles mais, un matin, il craque et quitte son poste en s'en prenant au contremaître. Le soir même, 'Hank' rencontre Jan, une femme légèrement nymphomane aussi alcoolisée et paumée que lui, et il s'installe avec elle. Embauché dans un atelier de réparation de vélos, il se met à jouer aux courses de chevaux avec son collègue Manny. Et le duo parie judicieusement et gagne un petit pécule. Renvoyé à nouveau de son job, puis ayant pris l'initiative de se séparer de Jan, 'Hank' fait la connaissance de la jolie Laura... dans un bar.
C'est une histoire sans fin, puisque c'est l'histoire d'une vie. Mais la percussion, la truculence, la crudité, voire la vulgarité de l'écriture de Bukowski ne passent pas à l'écran, comme elles ne passaient pas non plus dans Storie di ordinaria follia, Ferreri ayant choisi l'humour grinçant et la poésie comme palliatifs à cette difficulté inhérente. Bent Hamer, dont le style et l'esprit étaient susceptibles d'au moins affronter cet obstacle, choisit de le contourner en livrant un film sympathique mais un peu vain. Sa transposition à Minneapolis de l'itinéraire New York-Saint-Louis du roman ne parvient pas à rendre la logique misérabiliste et (auto-)destructrice de l'auteur et de 'Hank', son double prétendument fictif. Paradoxalement, le cinéaste norvégien et son scénariste et producteur (également de Jim Jarmusch) Jim Stark optent pour une réalisation esthétisante, sans rythme réel* et interprétée sans conviction par un duo d'acteurs atone au milieu de personnages secondaires sans relief. Sean Penn, pressenti pour le rôle principal, qui avait fait de Bukowski le dédicataire de son Crossing Guard, aurait-il fait mieux que Matt Dillon ? Plutôt que de répondre à cette épineuse question, le mieux serait de voir ou revoir Barfly de Barbet Schroeder ou le confidentiel The Killers de Patrick Roth, tous deux scénarisés par l'auteur et dans lesquels il fait une apparition.
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*"It's a slow day, movin' in a slow night, it doesn't matter what you do" proclame la chanson de la bande originale.

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