mercredi 24 mai 2006

Combien tu m'aimes ?


"Je vais vous demander de me laisser seul."


Si cette affirmation émanait directement de Bertrand Blier, nombreux parmi ceux qui ont apprécié la plupart de ses précédents films ne se feraient pas prier. Car depuis Les Acteurs, le cinéaste désormais sexagénaire semble nous faire une grosse fatigue sur le plan créatif. Combien tu m'aimes ?, bien que nettement moins catastrophique que le précédent opus, ne réussit pourtant pas à convaincre. Si l'idée initiale, sans être d'une grande originalité, n'est pas mauvaise et si le couple réuni par Blier est, heureusement, plutôt insolite, l'essentiel de l'intrigue aurait pu ne justifier qu'un court métrage.
Après avoir hésité, François pénètre dans un bar de Pigalle et s'informe des tarifs d'une gironde péripatéticienne. Après les avoir annoncé sans chaleur excessive, celle-ci accepte avant même de l'entendre la proposition de son réservé visiteur du soir. Elle ne tarde pas : le modeste employé de bureau, qui prétend avoir gagné plus de quatre millions et demi au Loto, lui offre cent mille euros par mois pour vivre avec lui. François emmène donc chez lui la belle dénommée Daniela mais, fragile du cœur, il fait un malaise dans l'escalier et doit appeler son docteur traitant et ami André. Lequel ne manque pas, compte tenu de son insuffisance cardiaque, de le réprimander pour sa nouvelle et insensée acquisition. Mais lorsqu'il est appelé au chevet de Daniela, incommodée par un dîner au restaurant, c'est le médecin qui, ébranlé par le spectacle de la nudité de la jeune femme, succombe au choc.
Echaudé pas ses récentes productions, on en vient à ne plus chercher d'intention et/ou de message aux films de Bertrand Blier. Ce seizième long métrage de fiction, pur exercice de style aux accents faussement opératiques qui oscille entre amour et sexe, tarifé ou non, ne déroge pas à la règle et ne peut, en l'occurrence, constituer qu'une pâle réminiscence de l'intéressant mais déjà perfectible Trop belle pour toi. L'intensité du drame, s'il existe, ne permettrait d'alimenter en énergie un électrocardiographe qu'à peine quelques secondes, la drôlerie flirte un peu trop souvent avec le pathétique et le scénario s'étiole après la première demi-heure. Quelques brefs éclairs de talent subsistent dans les dialogues, l'interprétation de Jean-Pierre Darroussin demeure impeccable et la prestation décalée et volontairement emphatique du blierien Gérard Depardieu est, paradoxalement, l'une des meilleures récentes apparitions de l'acteur à l'écran. Le film donne, au moins, furieusement envie de revoir Le Notti di Cabiria. Pas de quoi justifier... les dix millions (estimés) du budget !

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