dimanche 25 décembre 2005

J'irai cracher sur vos tombes


Une adaptation très (très !) libre mais pas inintéressante du pastiche de roman noir signé Vernon Sullivan, alias Boris Vian. Le film n'a pas la remarquable et sournoise perversion de l'ouvrage, mais cette étrange transposition avec une majorité d'acteurs français ménage quelques jolies surprises. Belle composition de Christian Marquand, d'Antonella Lualdi et de Fernand Ledoux ; à noter la participation du jeune Claude Berri.
La légende veut que Vian, qui tenait la même année un petit rôle dans Les Liaisons dangereuses, soit mort pendant une projection du film de Michel Gast.

jeudi 22 décembre 2005

Elvis Costello: The Right Spectacle


"I'd still own the film rights and be working on the sequel." (in "Everyday I Write the Book")

Elvis Costello
Si j'avais à choisir un "Elvis", n'en déplaise aux admirateur(rice)s transi(e)s du King, je choisirais sans hésiter Costello. Contrairement à son illustre prédécesseur auquel il a emprunté le prénom, ce natif de Londres dont l'adolescence s'est déroulée à Liverpool, berceau des Beatles, sous le nom de Declan Patrick Aloysius McManus est né dans une famille de musiciens. Son père est, en effet, le trompettiste et chanteur Ronald 'Ross' MacManus ; sa mère, Lillian Costello, assumait la responsabilité du département "Disques" chez Selfridge, le célèbre grand magasin d'Oxford Street. Mais cet arrière-petit-fils d'Irlandais, sans lien de parenté avec le partenaire de Bud Abbott, est surtout un remarquable compositeur, visiblement influencé par Bob Dylan et Van Morrison mais conservant une personnalité marquée, aux talents proches de ceux de son compatriote Joe Jackson, apparu à peu près à la même époque sur la scène britannique.
Etrangement, Costello est associé, à ses débuts, au mouvement Punk, peut-être à cause de son cynisme et son caractère révolté. Il est, dès 1977, repéré par Jake Riviera du label Stiff grâce auquel il enregistre son premier album "My Aim Is True" qui connaît un joli succès en Angleterre. Avec son trio baptisé "the Attractions" comprenant le bassiste Bruce Thomas, le pianiste Steve Nieve et le batteur Pete Thomas, il passe, sous la conduite de Riviera, chez Radar Records qui sort, en 1978, "This Year's Model", un disque aux tonalités assez brutes de hard-rock atteignant la quatrième place des charts britanniques, la trentième aux Etats-Unis. Suivent, au rythme d'un album par an "Armed Forces" (4e en Angleterre et dans le Top ten US), "Get Happy!!", "Trust" puis "Imperial Bedroom", quatre très bonnes productions qui laissent néanmoins le temps au chanteur de tenir un petit rôle dans une très modeste comédie de Neal Israel.
Avec "Punch the Clock", en collaboration avec Clive Langer et Alan Winstanley, à l'origine de nombreux hits au début des années 1980, Costello exploite une veine plus commerciale, au détriment de la qualité purement artistique. Le disque est au moins un succès sur le plan des ventes (n°3 en Angleterre) notamment grâce à son tube "Everyday I Write the Book", ce qui ne sera pas le cas de l'album suivant, "Goodbye Cruel World", dont le titre sonne, de manière prémonitoire, comme un appel désespéré.

La période qui suit, entamée en 1984 par une tournée estivale en solo et une petite participation à la série britannique en six épisodes Scully, est, tout en restant active, globalement moins convaincante, à l'exception notoire de "King of America" (1986) sur lequel Costello renoue avec ses racines métissées country-folk-pop(pub)-rock et de "Painted From Memory" (1998) créé avec le célèbre compositeur Burt Bacharach. Elle a surtout été marquée par la signature d'un contrat international avec Warner et le début d'une collaboration avec Paul McCartney, à l'origine de "Veronica", son plus gros succès aux Etats-Unis.
L'année 2004 se distingue par le nombre et la variété des prestations du musicien. Costello compose, en effet, sa première œuvre pour orchestre classique, adaptation musicale de la pièce de Shakespeare, "A Midsummer Night's Dream", commandée par un corps de ballet italien (sortie chez Deutsche Grammophon sous le titre "Il Sogno"). Il produit également un vingt-et-unième disque enregistré en studio, "The Delivery Man", de très honnête facture et participe à l'élaboration du pénultième album de son épouse, la chanteuse canadienne Diana Krall, signant plus de la moitié des douze titres (si l'on inclut la reprise d'"Almost Blue"). Enfin, on a pu voir Costello interpréter "Let's Misbehave" dans le film de clôture du Festival de Cannes, De-Lovely de Irwin Winkler.

The Right Spectacle
L'un des intérêts de cette compilation, outre celui de réunir pour la première fois des vidéos couvrant une bonne partie (1978-1994) de la carrière de l'artiste, est de proposer une sorte d'histoire abrégée du clip. De l'absolue simplicité, voire dénuement, des premiers titres (un bon vidéaste amateur ferait, avec les moyens techniques actuels, beaucoup mieux !) aux mises en scène les plus sophistiquées (!!) comme pour "Sweet Dreams" dans lequel la musique est reléguée, comme souvent aujourd'hui, au rôle d'illustration sonore. En passant par des tournages en extérieurs... épiques (dont certains au sud de la France, notamment dans la villa de Curd Jürgens). L'évolution du genre est assez visible à travers ces vingt-sept productions créées par dix-sept réalisateurs différents. Parmi les pièces maîtresses, les graphiques "Accidents Will Happen", "Don't Let Me Be Misunderstood" et "Sulky Girl", "New Lace Sleeves" filmé en noir et blanc, l'humoristique et cinéphile "Everyday I Write The Book", les étonnants et rudimentaires "I Wanna Be Loved" et "The Other Side Of Summer", l'émouvant "Veronica" ou encore le parodique "This Town".
Les commentaires (optionnels) d'Elvis Costello, souvent drôles et informatifs, permettent de les resituer et de les mettre en relief.

Les titres :
1. (I Don't Want To Go To) Chelsea
2. Pump It Up
3. Radio Radio
4. (What's So Funny 'Bout) Peace, Love & Understanding
5. Oliver's Army
6. Accidents Will Happen
7. I Can't Stand Up For Falling Down
8. High Fidelity
9. Love For Tender
10. Possession
11. New Amsterdam
12. Clubland
13. New Lace Sleeves
14. Good Year For The Roses
15. Sweet Dreams
16. You Little Fool
17. Everyday I Write The Book
18. Let Them All Talk
19. The Only Flame In Town
20. I Wanna Be Loved
21. Don't Let Me Be Misunderstood
22. Veronica
23. This Town
24. The Other Side Of Summer
25. So Like Candy
26. Sulky Girl
27. 13 Steps Lead Down

mardi 6 décembre 2005

Heat


 - film - 253_23
"Don't let yourself get attached to anything you are not willing to walk out on in 30 seconds flat if you feel the heat around the corner."
Je me suis (encore) fait piéger : je voulais simplement revoir les scènes communes de Pacino et De Niro... et j'ai revu la totalité (deux heures quarante-quatre) du film !!

jeudi 1 décembre 2005

Shattered Glass (le mystificateur)


"C'est dans mes notes."

L'erreur de casting n'est pas réservée au seul domaine du cinéma. Tous les corps de métier peuvent en être la victime, de l'entreprise (même conjugale !) à la "sphère" politique. Parmi les cas recensés, celui de Stephen Glass est particulièrement exemplaire et symptomatique de notre civilisation. Voilà un individu, singulièrement doué pour l'écriture romanesque, qui se pique de journalisme, LA discipline dans laquelle il n'est pas question de raconter des histoires. Celui qui aurait pu devenir un brillant écrivain, scénariste, avocat ou occuper une fonction prestigieuse au sein de l'Administration (gouverneur, député, secrétaire d'Etat...) verra sa carrière prendre fin brutalement à vingt-six ans après quarante et un articles rédigés, entre 1995 et 1998, pour la revue "The New Republic" dont près des deux-tiers étaient de pures sornettes. C'est cet épisode terminal, inspiré d'un article du titulaire du "prix Pulitzer" Buzz Bissinger paru dans "Vanity Fair", qui sert de trame au film de Billy Ray qui, bien qu'il n'ait pas eu les honneurs d'une exploitation dans les salles françaises, mérite d'être vu.
Stephen Glass, diplômé de l'Université de Pennsylvanie en 1994, est l'un des journalistes-reporters vedettes de "The New Republic" ('The Inflight Magazine of Air Force One') ainsi que l'épisodique auteur d'articles pour les revues "Rolling Stone", "George" et "Harper's". Certains éléments de "Spring Breakdown", son compte rendu du congrès conservateur CPAC 1997, éveillent, un moment, les soupçons de son rédacteur en chef et ami, Michael Kelly. Lorsque celui-ci est renvoyé par Marty Peretz, le directeur de la publication, en raison de sa défense systématique de ses collaborateurs, et remplacé par le jeune Charles 'Chuck' Lane, avec lequel Glass a moins de complicité, des tensions naissent au sein de la rédaction. C'est dans ce contexte que "Forbes Magazine" parvient à démontrer que l'article de Glass intitulé "Hack Heaven", sur l'accord passé entre un hacker et l'entreprise victime de son intrusion informatique, est une pure invention.
Presque aussi incroyables que le faux récit d'un enfant de huit ans héroïnomane de Janet Cooke publié dans le "Washington Post" en 1980 et couronné, l'année suivante, d'un "prix Pulitzer", les affabulations* de Glass étaient, sur le papier, un matériau idéal pour l'écriture d'un scénario. Dans la lignée de All the President's Men, Shattered Glass (au titre original, encore une fois, plus subtil que le français) devrait particulièrement intéresser les amateurs de films sur la presse. Les autres ne seront pas déçus par cette nouvelle preuve que la réalité dépasse parfois la fiction (et inversement !). Malgré la longueur de l'exposition initiale et même si le script laisse, évidemment, toute la place aux dialogues, la mise en scène souligne plutôt adroitement la psychologie du personnage central, grâce notamment à cette fausse et imaginaire narration en flash-back, authentique rêve éveillé, qui ponctue le métrage. Le journaliste avouera, quelques années plus tard*, qu'il souhaitait, à tous prix, c'est à dire celui de la déontologie de son métier, que ses articles plaisent pour avoir le sentiment d'être aimé. Derrière les lunettes de Glass, entre deux épisodes de Star Wars, Hayden Christensen offre une interprétation un peu linéaire mais honorable, soulignant la belle prestation de Peter Sarsgaard dans un rôle qui était, au départ, destiné à Greg Kinnear.
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*S. Glass a publié, en 2003, son histoire sous le titre "The Fabulist".