mercredi 2 novembre 2005

Temporada de patos (mexican kids)


"Ouf, tu l'as échappé belle."

Les films très coûteux et prétendument ambitieux (prétentieux ?) qui n'apportent ni plus-value culturelle, ni ne communiquent de sens ou d'émotions (et dont on sort parfois en les ayant déjà oubliés) sont aujourd'hui monnaie courante. Au milieu de ces objets marketing de grande consommation, on trouve, fort heureusement, des œuvres "du terroir" qui, par leur simplicité et leur respect de l'intelligence du public, surprennent et réjouissent. Le premier long métrage de Fernando Eimbcke est de ceux là. Produit par la structure mexicaine du français Christian Valdelièvre (à laquelle on doit une autre comédie, Sexo, pudor y lagrimas, sortie en 1999), Temporada de patos, sous une apparence décalée, anodine et drôle, traite avec doigté de la jeunesse, de la vacuité et de l'amitié. Le cinéaste, en changeant de format, a réussi à s'affranchir de ses recettes de réalisateur de courts métrages et de clips et, surtout, à trouver d'emblée un style personnel. Plébiscité dans son pays d'origine, présenté dans le cadre de la Semaine internationale de la critique cannoise en 2004, le film a reçu, en avril dernier, le "Prix spécial du jury" du Festival du film de Paris Ile-de-France.
Un dimanche matin, dans le bâtiment "Niños Heroes" de la cité Nonoalco Tlatelolco. La mère de Flama laisse son fils en compagnie de son ami Juan Pablo dit Moko, pour rendre visite à sa sœur. L'occasion pour les deux collégiens de quatorze ans de s'affronter, en toute tranquillité, sur un jeu vidéo de tir subjectif en sirotant une célèbre boisson pétillante et en croquant des chips. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes (possibles), mais voilà qu'une jeune voisine vient les interrompre dans leurs assauts en leur demandant de se servir du four de la cuisine pour la préparation d'un gâteau. On abandonne rapidement l'importune à sa préparation mais, presque aussitôt, une panne de courant signe un cessez le feu forcé. Désœuvrés, les deux amis sortent de leur torpeur en commandant une pizza. Ulises, le livreur obligé de monter les huit étages à pieds, est accusé par ses clients d'avoir onze secondes de retard. Il conteste ce calcul, réclame le montant dû et improvise un sitting sauvage à la porte de l'appartement pour obtenir le paiement. L'électricité apparemment rétablie, Flama lui propose alors de jouer la décision à la console vidéo.
Le cinéma sud-américain ne cesse de nous étonner. Au Mexique, après Arturo Ripstein, l'ancien assistant de Luis Buñuel, le spécialiste Guillermo del Toro et le talentueux généraliste Alfonso Cuaron, désormais (provisoirement ?) récupéré par le "système" mais qui nous avait bluffé il y a quatre ans avec Y tu mamá también, voici donc une nouvelle génération dans laquelle on peut fonder de sérieux espoirs. Fernando Eimbcke n'a pourtant choisi ni la démonstration, ni la facilité. Un scénario apparemment simplissime, dont les sceptiques pourraient penser, avant d'avoir vu le film, qu'il ne peut tenir la distance d'un long métrage et le choix du noir et blanc pour la mise en images. L'intelligence du réalisateur est justement d'avoir su, à partir d'une situation et d'une succession d'événements assez banales, ménager, au fur et à mesure que ses personnages se dévoilent et laissent entrevoir leur malaise, une réelle progression dramatique et, donc, de gagner le pari de l'émotion et de la durée. Pour ce quasi huis-clos classique, outre la monochromie qui mobilise l'imagination du spectateur et donne au film une dominante graphique très réussie, la réalisation repose sur des plans fixes en grandes focales (à l'exception des flash back ou rêves pour lesquels la caméra s'anime et resserrent le champs), le rythme étant alors essentiellement donné par le déplacement des personnages et par le montage. Les dialogues et la bande son ont été particulièrement soignés et les acteurs, tous presque débutants, ne sont pas maladroits. Cette Saison des canards gagne vraiment à être vue et revue. 

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