jeudi 1 septembre 2005

Sotto falso nome (le prix du désir)


"Il n'a pas accepté, il a subi."

Le second long métrage (le premier de fiction) de Roberto Ando est séduisant. Premier atout, un scénario original qui livre sa substance complexe selon le mode de la perfusion, en ménageant quelques contre-pieds pas toujours adroits mais intéressants. La mise en scène appliquée, parfois un peu narcissique, du réalisateur italien et la photographie de son chef opérateur offrent également un bel écrin à cette sombre histoire de famille. Enfin, la qualité de la distribution, proposant un trio d'acteurs inédit, ne souffre apparemment pas de critiques. Tous les ingrédients semblent donc réunis pour faire du bien intitulé Sotto falso nome*, sélectionné à la "Semaine de la critique" cannoise l'année dernière, un film réussi. Sauf que l'ancien assistant de Michael Cimino et de Coppola(si l'on en croit les biographes) a eu la main un peu lourde sur les agents édulcorants. Le déficit manifeste de tension est un handicap, modéré certes, pour l'efficacité dramatique du film... et pour une certaine persistance du goût.
Personnage à la fois viscéralement secret et menteur par obligation, Daniel Boltanski est un romancier célèbre dans le monde entier sous le pseudonyme de Serge Novak. Marié à Nicoletta, une riche avocate italienne, il écrit ses ouvrages dans le chic cabanon situé dans le parc de la propriété familiale genevoise. Revenant d'une conférence parisienne sur son œuvre, à laquelle il a, bien sûr, brièvement assisté incognito, il se rend à Capri où doit se tenir le mariage de Fabrizio, le fils de son épouse. Sur le bac au départ de Naples, il croise Mila, une jolie jeune femme. Témoin d'un mensonge au téléphone, il l'aborde puis lui rend son foulard emporté par le vent. Arrivé sur l'île, ils prennent le même taxi, puis la même chambre. Le lendemain, arrivé en retard à l'église, Daniel assiste au consentement mutuel des époux avant de découvrir que la mariée n'est autre que Mila. Relancé par celle-ci, Daniel refuse d'abord de poursuivre cette désormais indécente intimité avant d'accepter l'invitation de la jeune femme dans un pavillon au bord du lac.
Avec son pitch presque identique à celui de Damage de Losey, Sotto falso nome pourrait passer pour un drame développant le thème sulfureux du trio sexuel familial. Or, le sulfure n'entre, a priori, pas dans des proportions très importantes dans la composition du film. Les origines et les ferments de l'intrigue sont ailleurs, dans le passé, qu'il croyait oublié, du personnage central. Il est impossible d'évoquer ces tenants sans trahir au moins une partie des aboutissants du film. Si les motifs immédiats de la cavalière situation "chevauchée" à cru par le couple vedette du film ne sont pas réellement une surprise, le spectateur s'attend moins à ses raisons profondes qui apparaîtront dans la seconde moitié du récit moyennant une relative perte de lisibilité. Mais à trop vouloir souligner les dimensions cérébrale et esthétique de son film, le réalisateur en dilue la force dramatique. Dans un rôle délicat mais balisé, l'expérimenté Daniel Auteuil n'est pas pleinement convaincant. Anna Mouglalis ne se contente pas d'une prestation physique, donnant une perceptible ambiguïté à son personnage bivalent de Mila. Le jeu de Greta Scacchi, dans un quasi second rôle cantonné au registre de l'émotion, sonne juste.
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*encore un exemple de traduction française "infirmante".

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