samedi 10 septembre 2005

Kôhî jikô (café lumière)


"Des trains et des ombres."

Film de commande du studio Soschiku et de la NHK à l'occasion du centenaire de Yasujiro Ozu, Kôhî jikô est le résultat d'un (second) déracinement et d'une exploration (reconnaissance ?) pour Hou Hsiao-hsien. Le film est, en effet, le premier tourné au Japon par le réalisateur taïwanais né en Chine et une réflexion sur l'œuvre d'un cinéaste majeur découvert par lui tardivement. A partir d'un scénario lumineux de simplicité de sa collaboratrice habituelle, l'écrivain Chu T'ien-wen, il apparaît comme un film personnel, qui, s'il s'inspire de thèmes classiques chez Ozu comme la famille ou les relations entre générations et de son style lent et contemplatif, n'est pas si éloigné de ses films précédents. Kôhî jikô est le second film, après Beiqing chengshi, "Lion d'or" 1989, présenté à la Mostra de ce multirécidiviste compétiteur à Cannes.
La jeune journaliste Yoko Inoue, de retour d'un séjour à Taïwan, se rend dans la librairie d'Hajime, pour récupérer des disques commandés et lui offrir une montre-gousset, souvenir de son voyage et cadeau d'anniversaire. Yoko s'intéresse à la vie et à l'œuvre du musicien et compositeur taïwanais installé au Japon Jiang Wen-ye. Elle aimerait, en particulier, retrouver "Le Dat", un café qu'il fréquentait assidûment. Profitant d'une visite à Takasaki, chez son père remarié avec lequel les relations sont distanciées, Yoko annonce à sa belle-mère être enceinte de son ami taïwanais, responsable d'une usine de parapluies en Thaïlande, et son intention d'élever l'enfant seule. C'est également seule, ou accompagnée par Hajime, que la future mère part à la recherche d'informations sur Jiang Wen-ye, fréquentant les rames de trains et les gares dans lesquelles son camarade, pour les besoins de travaux de création artistique, chasse les sons à l'aide d'un magnétophone.
Le projet initial des producteurs était un film en trois segments, mais le forfait de deux des trois réalisateurs pressentis a contribué à faire de l'indépendant Hou Hsiao-hsien l'unique artisan de cette commémoration posthume de l'auteur de Tokyo monogatari, décédé en 1963. Les univers des deux cinéastes sont assez distincts et, pourtant, ils sont, l'un et l'autre, des observateurs minutieux et des narrateurs de leur temps. Et, dans une certaine mesure, on pourrait appliquer la formule de Stanley Kauffmann, décrivant Ozu, au plus jeune : "un poète lyrique dont le lyrisme prend délicatement des proportions d'épopée.". Pas de véritable héros, toutefois, dans Kôhî jikô mais, en revanche, la légende s'y mêle bien à l'histoire. Certes, la lenteur et la trivialité du récit est susceptible d'indisposer le spectateur impatient, l'essentiel de l'"action" se résumant à une trilogie apparemment basique "boire, manger et se déplacer en trains". Mais le charme, sans recours à une dramatisation artificielle, opère néanmoins par la justesse de ton, par la simplicité et la fraîcheur dans le traitement, assez éloignées de l'éclat formel des films récents du réalisateur. La mise en scène reste cependant, comme toujours chez lui, très maîtrisée. Hou Hsiao-hsien, comme Ozu avant lui, nous fait les témoins d'une histoire, enracinée dans le quotidien, qui ne nous appartient pas mais que nous avons le droit d'emporter.

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