mardi 23 août 2005

Smoking Room


"Ce n'est qu'une fiction."

Pour leur premier film, le duo de réalisateurs espagnols Gual-Wallovits n'a pas choisi la facilité. Smoking Room est, en effet, sous des airs de comédie dramatique, avant tout une critique sociale. L'un comme l'autre ont, avant de se tourner vers le cinéma, collaboré à des agences de publicité. Leur film ressemble, par certains aspects (certains seulement), à un documentaire d'entreprise. Mais les relations de travail y sont dépeintes, même si elles sont un peu caricaturées, avec une véracité que l'on ne trouve pas dans ce type de mises en scène propagandistes. Il serait, d'ailleurs, intéressant d'interroger les cinéastes sur la part de leur expérience utilisée dans l'écriture du scénario. Quoiqu'il en soit, et contrairement à ce qu'il tend à souligner, Smoking Room est une preuve manifeste que l'on peut réussir à mener à bien une œuvre à direction collective. Récompensé au Festival du cinéma espagnol de Málaga 2002, le film a permis à ses auteurs d'être distingués "meilleurs nouveaux réalisateurs" à la cérémonie des "Goya" 2003.
Le groupe américain auquel appartient la société espagnole dont Armero est le directeur vient de changer de patron. Une interdiction de fumer dans les locaux est décrétée, obligeant les employés à aller s'en griller une dans la rue ou sur le toit du bâtiment. Le comptable Ernesto Ramírez est de ceux là et il peste contre cette décision absurde l'obligeant à subir le froid pendant la pause cigarette. Il décide alors de lancer une pétition auprès de ses vingt collègues fumeurs pour la création d'un fumoir. Le succès n'est pas au rendez-vous. Certains attendent une promotion qu'ils ne veulent pas compromettre ou redoutent, tout simplement, de déplaire à la direction, d'autres s'interrogent sur les motivations réelles qui ont poussé Ramírez à prendre cette initiative. Les tensions, sous-jacentes, dans l'entreprise vont s'en trouver exacerbées.
Intimiste, reposant essentiellement sur ses dialogues, Smoking Room ne s'inscrit, bien sûr, pas dans la lignée des Classe operaia va in paradiso ou Czlowiek Z Marmuru. Les temps ont changé depuis les années 1970, les entreprises aussi. En mieux ? Pas toujours, et c'est probablement ce que souhaitent mettre en évidence Roger Gual et Julio D. Wallovits avec leur film. A partir d'un événement anecdotique, aisément résoluble*, vont se révéler la complexité d'une organisation (dans laquelle on travaille, finalement, très peu !), notamment le maintien de sa cohé(rence)sion, la résistance au changement, la difficulté de surmonter l'échec, et, de manière plus primaire, le sens même du travail et les antagonismes latents, objectifs ou non. Il n'est pas anodin d'entendre le mot "conjonction" dans l'un des nombreux dialogues (au sens premier du terme) puisque l'une de ses significations, rare, est synonyme d'apparence. Et si le travail en société n'était qu'une tentative, plus ou moins adroite, de sauver les apparences** ? Pour apprécier Smoking Room, il faut être patient, écouter plus que voir (les sous-titres sont parfois en retard par rapport aux répliques ou approximatifs). Mais le spectateur trouve matière à alimenter sa relative attente soit dans les citations souvent drôles (en particulier une référence à Alien: Resurrection), voire absurdes, soit dans le traitement original du film, l'utilisation de longues focales qui nous place au plus près des protagonistes, le peu de soin apparent accordé au cadrage ou à l'image, soit encore dans la prestation des acteurs.
___
*la persistance à revenir dans le local cafétéria jouxtant une mystérieuse pièce close est, à ce titre, malicieuse.
**je vous laisse réfléchir à cette épineuse problématique... je relève les copies dans deux heures !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire