mercredi 27 juillet 2005

Night and the City (les forbans de la nuit)


"Tu me tues et tu te tues toi-même."

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Sorti la même année que l'excellent Asphalt Jungle de Huston, Night and the City est probablement l'un des polars les plus proches du film noir. L'un de ceux, également, auxquels on peut appliquer la formule de Malraux à propos de Faulkner : "intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier." Bientôt dénoncé par Edward Dmytryk à la "Commission des activités anti-américaines", Jules Dassin, qui vient de finir Thieves' Highway, s'exile à Londres. C'est là, avant de partir pour la France où il réalisera Du rififi chez les hommes (qui lui vaut la "Palme" du meilleur réalisateur à Cannes en 1955), qu'il tourne son adaptation de l'ouvrage, publié en 1938, de Gerald Kersh, poursuivant ainsi sa superbe série de polars entamée en 1947 avec Brute Force. Difficile de ne pas voir, derrière ceux du personnage d'Harry Fabian, les espoirs et les angoisses du cinéaste lui-même. Mais, contrairement à celui-là, Dassin est, au moins à cette époque, un "artiste qui a trouvé son art". Irwin Winkler a produit et réalisé en 1992 un remake nettement moins excitant malgré la présence de Robert De Niro et Jessica Lange.
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Dans le Londres de la Grande Dépression, Harry Fabian, un rabatteur pour le "Silver Fox Club" de Phil Nosseross, rêve de monter une affaire qui lui apportera gloire et fortune. Son amie Mary Bristol, chanteuse dans le club, l'aime passionnément malgré son irresponsabilité et sa mauvaise chance. Elle est prête à tous les sacrifices pour lui. A l'occasion d'une de ses tournées, Fabian rencontre Gregorius, un ancien champion de lutte gréco-romaine et le père de Kristo qui détient le monopole de la lutte dans la capitale britannique. Profitant d'une altercation entre les deux hommes, Fabian a l'idée d'organiser des combats concurrents de ceux, indignes de cet art, de Kristo. Pour financer son projet, Fabian se sert de l'argent confié par Helen Nosseross pour obtenir l'autorisation d'ouverture d'une boîte de nuit devant lui permettre de pouvoir quitter un mari qu'elle ne supporte plus.
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Moins réaliste que The Naked City dans lequel New York tient le rôle principal, Night and the City est, comme on l'a dit, une tragédie centrée sur le personnage de perdant sympathique et intelligent qu'est Harry Fabian. L'habileté du scénario est, après nous avoir démontré la formidable capacité de cet individu, surtout avide de reconnaissance et dénué de réelle méchanceté, à se faire des ennemis, de dévoiler progressivement la machiavélique manœuvre dont est victime ce prétendu manipulateur. Le film, par sa remarquable scène d'ouverture, place d'emblée la narration sous le signe de la fuite (en avant) et annonce, également d'une certain manière, sa chute inexorable. Sa tonalité est résolument sombre, pessimiste sur les vertus de l'être humain, toujours prêt à la trahison, celle-là même que le réalisateur a expérimentée de manière vivace quelques mois plus tôt. Le récit est magnifié par la splendide photographie de Mutz Greenbaum, qui rappelle celle de Robert Krasker dans les récents Odd Man Out ou The Third Man, et par le score percutant de Franz Waxman, auteur, la même année, de la partition très distincte de Sunset Blvd. Mais Night and the City ne serait probablement pas ce chef-d'œuvre sans la stupéfiante prestation d'un Richard Widmark qui, s'il a conservé quelques stigmates de son premier rôle dans Kiss of Death, a remarquablement étoffé son jeu d'acteur et donne à son personnage une richesse et une profondeur étonnantes. Soulignons, pour conclure, la très bonne qualité des comédiens dans les rôles secondaires, notamment les britanniques Francis L. Sullivan, Herbert Lom et Googie Withers.

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