vendredi 15 juillet 2005

Le Secret du chevalier d'Eon


"- Je n'ai jamais vu un homme comme toi.
- Je le crains, Majesté."

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Lorsque deux collaborateurs de Max Ophüls se rencontrent, cela donne Le Secret du Chevalier d'Eon. Raccourci un peu brutal, voire schématique, mais réel. Jacqueline Audry*, la petite sœur de l'auteur Colette Audry, avait été l'assistante du réalisateur allemand. Et celui-ci avait adapté, pour ce qui allait être son dernier film, le roman de Cécil Saint-Laurent (l'un des pseudonymes du prix Goncourt Jacques Laurent), Lola Montès. La cinéaste, passée à la direction des opérations, adapte des ouvrages de La Comtesse de Ségur et de Colette et, surtout, la pièce de Jean-Paul Sartre, Huis clos. Elle consacre son douzième film à l'un des épisodes majeurs de la carrière de l'agent du "Secret du Roi", le chevalier d'Eon, personnage historique au genre longtemps indéterminé. Cécil Saint-Laurent, l'auteur de la trilogie Caroline chérie, signe le scénario. La parenté entre ces œuvres est flagrantes, d'autant qu'elles se situent au XVIIIe siècle. Doté d'un casting attractif, Le Secret du Chevalier d'Eon, qui précède Le Bossu d'un an, est donc un honnête film d'aventure romanesque en costumes.
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Parce qu'il veut absolument hériter de la fortune de son oncle Antoine, le baron d'Eon fait passer sa huitième fille pour un garçon. Elevée comme tel, Charles Geneviève Louis d'Eon de Beaumont, cavalière émérite et l'une des plus fines épées du royaume, devient, vingt ans plus tard, dragon de sa majesté Louis XV. Sur la route qui conduit son régiment en Lorraine, elle rencontre dans une auberge la comtesse de Monval. Elle la sauve, déguisée en femme, des griffes du baron d'Exter et de ses sbires. La comtesse a, en effet, subtilisé des documents au roi de Prusse susceptibles de compromettre ses plans d'alliance avec l'impératrice Elisabeth Petrovna de Russie et de guerre contre la France. Le roi, sur les conseils de la comtesse de Monval, charge le chevalier d'Eon de porter, en se travestissant en femme, une de ces lettres insultantes, adressée à Voltaire, à l'impératrice. Mais la route est longue et périlleuse jusqu'au terme de cette mission à St-Petersbourg.
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"Mais enfin, pauvre folle, tu n'es pas un homme. Je ne suis plus une femme." Il semble que Cécil Saint-Laurent n'ai pas voulu donner un caractère trop historique à son récit. Il préfère faire de son personnage principal une femme bien qu'il ait été reconnu, au moment de son décès à Londres, appartenir à la gent masculine. Le Secret du Chevalier d'Eon ne serait donc qu'une pure fiction***. Qu'importe ! Il n'a, néanmoins, pas le charme des Trois mousquetaires d'Hunebelle, tout juste celui de la version en deux parties de Bernard Borderie. La mise en scène est un peu plate, la photographie d'Alekan passe presque inaperçue, les dialogues faiblement inspirés et les scènes d'action rarissimes. Pouvons-nous alors nous consoler avec la distribution ? Pas vraiment. Andrée Debar, qui jouait un personnage presque aussi bivalent dans un précédent film de Jacqueline Audry, La Garçonne, ne convainc pas, tout comme son partenaire romain Gabriele Ferzetti, qui allait interpréter avec plus de conviction, l'année suivante, l'un des rôles principaux de L'Avventura. La diva milanaise Isa Miranda (qui a, elle aussi, tourné avec Max Ophüls) dont la carrière au cinéma n'était plus ce qu'elle était dans les années 1930 et 1940, a quelques difficultés à être totalement crédible en tzarine mangeuse d'hommes et agent touristique pour la Sibérie... sauf, peut-être, si l'on est sensible au second degré. Bernard Blier (déjà présent, tout comme Dany Robin, dans L'Ecole des cocottes**), Jean Desailly et Simone Valère sont, en revanche et comme toujours, impeccables dans les seconds rôles qui leur sont confiés.
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*petite-nièce de Gaston Doumergue, président du conseil de la Troisième République.
**à ne pas confondre avec la version dans laquelle jouait Raimu.
***le personnage apparaît également dans Beaumarchais, l'insolent.

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