mercredi 1 juin 2005

The Shooting


"La raison d'une chasse, c'est de tuer."

Monte Hellman est, au même titre que Sergio Leone et Sam Peckinpah quoique moins connu que ces derniers, l'un des principaux cinéastes réformateurs du western. Appartenant à l'"Ecole Roger Corman" avec lequel il collabore étroitement sur deux films d'horreur, c'est un habitué des productions indépendantes à faible budget. Ce qui lui permet de réaliser, avec les trois-quart du budget de Per un pugno di dollari, deux films qui ont indéniablement marqué le genre cinématographique. En particulier cet insolite The Shooting, qualifié abusivement de "western existentiel", que je rattacherais plus volontiers à une tradition paradoxalement à la fois surréaliste et vériste. A partir d'un matériau narratif puissamment minimaliste dû à la scénariste récemment disparue Carole Eastman (à l'origine, avec Bob Rafelson, du remarquable Five Easy Pieces avec un certain Jack Nicholson), Hellman marque une époque, déjà abondamment fertile, de manière plus significative que The Professionals de Richard Brooks, produit par Columbia Pictures et sélectionné aux Academy Awards.
Willett Gashade, sur le chemin de la mine qu'il exploite avec son frère et deux compagnons, a le sentiment d'être suivi et surveillé. Arrivé à destination, il est pris pour cible par un tireur embusqué. Celui-ci n'est autre que Coley Boyard, l'un de ses partenaires en proie à une terreur incontrôlée, qui lui fait le récit des récents événements. Partis pour la ville, Coigne, le frère de Will, et Leland Drum en reviennent précipitamment en raison d'un accident s'y étant déroulé. Coigne détale aussitôt avec le cheval de Coley et Leland est bientôt tué. Tiraillés entre la volonté de partir ou le courage de rester, Will et Coley voient arriver une mystérieuse jeune femme qui souhaite acheter un cheval et les engager pour la conduire à Kingsley. En route, le petit groupe est suivi puis rejoint par Billy Spear, lui aussi manifestement attaché au service de l'inconnue.
Etonnant et déroutant exercice de style que ce The Shooting, ne livrant, du début à la fin, aucune clef précise de compréhension. L'introduction est proche de celle de The Searchers de John Ford mais le film s'en éloigne aussitôt pour explorer les régions semi-désertiques de l'Utah et de l'étrange. Résolument hors convention, d'une profonde aridité sur le plan des dialogues, The Shooting développe en apparence une thématique classique de la vengeance mais constitue, avant tout, une œuvre caricaturale et satirique, côtoyant la frontière de l'absurde, au sens camusien du terme, et du nihilisme. Il n'est, alors, pas surprenant qu'il dépouille le genre de sa phallocratie habituelle pour donner (tout) le pouvoir au personnage féminin. Hasard de la complicité* ou provocation, ce dernier est tenu par Millie Perkins qui tenait le rôle titre dans The Diary of Anne Frank de George Stevens, tandis que Jack Nicholson endosse un costume assez proche de celui de Jack Wilson, alias Jack Palance dans Shane du même Stevens. Coïncidence ou choix délibéré, Warren Oates apparaîtra dans le casting de The Wild Bunch de Peckinpah en 1969. Enfin, le score d'inspiration sérielle annonce celui de Jerry Goldsmith dans Planet of the Apes. En revoyant The Shooting, on apprécie avec plus d'acuité encore la dimension et la modernité de Monte Hellman.
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* avec Jack Nicholson.



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