mardi 21 juin 2005

La Demoiselle d'honneur


"Y'a que toi et moi."

... Et franchement, on les laisserait bien à leur singulier tête à tête, ces deux là ! Près de dix ans après La Cérémonie, Claude Chabrol fait un retour dans l'univers criminel de Ruth Rendell. Bien connu dans son pays pour sa série consacrée aux enquêtes de l'inspecteur en chef Wexford, cet auteur britannique, héritier d'Agatha Christie, a vu plusieurs de ses œuvres adaptées à l'écran parmi lesquelles Carne trémula de Pedro Almodóvar, Betty Fisher et autres histoires de Claude Miller et, en début d'année dernière, Inquiétudes de Gilles Bourdos. Il s'agit ici du roman éponyme ("The Bridesmaid"), paru en 1989, dont la thématique, les personnages et les décors entrent naturellement en résonance avec l'orientation récente du cinéma de Chabrol. Mais sur le thème de la folie (extra)ordinaire, La Demoiselle d'honneur est nettement moins convaincant que L'Enfer. Le film marque également une rupture, celle de la longue collaboration du réalisateur avec le producteur Marin Karmitz, initiée en 1984 avec Poulet au vinaigre.
Dans la banlieue de Nantes, la disparition d'une jeune fille fait la une du journal télévisé régional. Emission volontairement écourtée, chez les Tardieu, par Philippe qui ne veut pas que cette nouvelle assombrisse la soirée. Lui et ses deux sœurs doivent, en effet, accompagner leur mère Christine chez son prétendu soupirant, Gérard Courtois. Dans la famille Tardieu, Christine est coiffeuse à domicile, Philippe un jeune commercial d'une petite entreprise du bâtiment, Sophie va bientôt se marier avec Jacky, un secrétaire de mairie pompier volontaire à ses heures, et Patricia est une lycéenne un peu rebelle. Au mariage de sa sœur, Philippe est littéralement envoûté par Stéphanie, dite Senta, demoiselle d'honneur et lointaine parente du marié. La jeune femme ressemble étrangement au buste de pierre que possédaient les Tardieu dans le jardin de leur pavillon, sculpture offerte à Courtois mais secrètement récupérée par Philippe. La mystérieuse et passionnée Senta s'offre immédiatement à ce dernier, d'abord chez lui puis dans le sous-sol d'une grande et vieille maison dont la jeune femme a fait son appartement. Mythomane, Senta prétend avoir beaucoup voyagé, être actrice et mannequin et avoir tourné pour Woody Allen et avec John Malkovich. Mais lorsqu'elle évoque le meurtre comme preuve de la force et de la pureté de l'amour, Philippe ne sait plus à quel saint se vouer.
Claude Chabrol semble apprécier les écrivains féminins anglo-saxons. Outre Ruth Rendell, son Merci pour le chocolat prenait, en effet, pour matériau de base un ouvrage de l'américaine Charlotte Armstrong. Si La Cérémonie, un incontestable bon cru, semblait le conforter dans ses choix littéraires, force est de constater que, depuis, le cours de ses films a résolument été orienté à la baisse. La Demoiselle d'honneur n'échappe pas à cette tendance de fond. Les décors provinciaux sont les mêmes, l'inattendu ou l'horreur se dissimule toujours derrière la plus banale quotidienneté. Mais il ne reste plus grand chose de l'artisan entomologiste, (selon Labarthe), du Boucher ou de Betty. Délaissant depuis longtemps l'intrigue, le réalisateur cherchait, surtout, à approfondir ses personnages en soulignant, avec habileté, leur meurtrissure et leur opacité et en confrontant l'éthique individuelle à la morale sociale. Contrairement à son film précédent, le metteur en scène ne parvient pas à rendre sa courte galerie de portraits réellement intéressante ni à créer un semblant de tension dramatique. La manque de rythme est manifeste et le charme visuel, une des marques de la fabrique Chabrol, fait cruellement défaut. Benoît Magimel, le seul rescapé de La Fleur du mal (la regrettée Suzanne Flon et Bernard Le Coq ne font que de courtes apparitions et Nathalie Baye laisse la place à sa fille) ne sort pas d'une alternance entre hermétisme et hébétude (ou inversement). Laura Smet, de son côté, a quelques difficultés à rendre parfaitement crédible son personnage de dionée humaine. 

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