mercredi 29 juin 2005

Klee, le silence de l'ange


"... entre Pascal et Napoléon."


Cette "localisation" absconse et apparemment non picturale de Paul Klee formulée par Pablo Picasso révèle bien la grande singularité de l'artiste. Catalogué néo-impressionniste (certaines de ses œuvres sont actuellement exposées au Musée d'Orsay dans une rétrospective consacrée à ce genre), Klee est fondamentalement hors courant... ou il les transcende tous. Le moyen métrage de Michaël Gaumnitz, réalisé à l'occasion de l'inauguration, le 20 juin 2005, du Centre Paul Klee de Berne, souligne assez bien les particularités du travail colossal (neuf milles œuvres recensées) de ce créateur et théoricien de l'art. Randonnée biographique et thématique, Le Silence de l'ange, sans être inaccessible, s'adresse plus volontiers aux aficionados qu'aux novices du peintre suisse.
L'ascendance de Paul Klee aurait dû le conduire vers la partition plutôt que vers la toile. Son père, d'origine allemande, était professeur de musique et exerçait à Berne. Il en héritera son don naturel pour le violon, son approche chromatique, polyphonique et structurée de la peinture et, peut-être, son mariage avec Lily Stumpf, une pianiste et professeur de piano. Elève de Knirr, puis de Stuck, Klee partage les bancs de l'Académie des beaux-arts de Munich avec Wassily Kandinsky et l'idée en germe qu'"est beau ce qui procède d'une nécessité intérieure de l'âme. Est beau ce qui est beau intérieurement."*. Il est impressionné par les œuvres de la Renaissance italienne, de Cézanne (plus que celles de Van Gogh) et de Delaunay. Mais, avant de devenir enseignant au Bauhaus de Walter Gropius, c'est son voyage en Tunisie qui, selon sa propre expression, fait de lui un peintre (de la couleur).
Le documentaire savant et un peu abstrait, voire austère, de Michaël Gaumnitz est une in(tro)spection, au sens cartésien du terme, de l'œuvre de Paul Klee élaborée, en grande partie, à partir de ses propres écrits. Le parcours est jalonné de repères essentiels ("l'équilibriste", "le musicien", "le théoricien", "le rêveur", "le promeneur"...) car l'univers du peintre, au delà de la classique dialectique abstraction/figuration, est sensible et poétique et nous risquons de nous y perdre. Très différent, dans son approche, du court métrage des années 1970 de Georgia van der Rohe, il est l'un des trop rares témoignages cinématographiques sur un des artistes incontournables du XXe siècle.
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*in "Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier" (1910).

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