lundi 23 mai 2005

Shadowing the Third Man


"Alors que Casablanca évoquait un certain optimisme, celui de combattre l'ennemi, de libérer l'Europe des tyrans, The Third Man développe une sorte de mélancolie, de "gueule de bois" consécutive."

Harry Lime hante-t-il encore, près de soixante ans après, les rues de Vienne ? Pour Frederick Baker, cela ne fait aucun doute. Le cinéaste anglo-autrichien, avec ce Shadowing the Third Man produit par la chaîne consacrée au cinéma Turner Classic Movies*, revient sur les lieux et évoquent les acteurs de la création du "meilleur film britannique du XXème siècle" (selon un récent sondage du British Film Institute). Deux ans après The Paradine Case(avec Alida Valli), Carol Reed élabore, en effet, une des rares œuvres britanniques des années 1940-1950 susceptible de rivaliser avec celles de Sir Alfred Hitchcock. Le réalisateur londonien, décédé en 1976, n'y utilise-t-il pas les mêmes ingrédients (action, suspense et comédie acide) en partie à l'origine du succès des films de son prestigieux compatriote exilé. L'intéressant et stylisé documentaire de Baker, présenté en ouverture du récent "Cannes Classics", explore quelques pistes peu connues et remet le chef-d'œuvre de Reed... en perspective et en lumière.
De l'écriture du scénario original et la collaboration entre Graham Greene et le producteur Alexander Korda au choix de la bande originale et au succès du film, Shadowing the Third Man retrace, in situ, le parcours d'élaboration de The Third Man. Les précieux témoignages de Guy Hamilton(metteur en scène de quelques épisodes de la franchise James Bond), l'assistant-réalisateur et "fils spirituel" de Carol Reed, d'Angela Allen (assistante scripte sur le film et sur The African Queen notamment), ceux, enregistrés, de l'auteur, du réalisateur et des producteurs, donnent un relief singulier à "l'entreprise", en particulier à travers les conflits artistiques et d'intérêts qui ont émaillé la production et le tournage. Ils donnent, par ailleurs, des informations précieuses sur la personnalité des créateurs du film. Une part significative est accordée à la participation, délicate à gérer, d'Orson Welles et à celle, préalable, d'Anton Karas. Le réalisateur de Citizen Kane, dans une interview tardive, y dément définitivement la rumeur de sa "paternité souterraine" sur le film.
Mais la qualité majeure de Shadowing the Third Man, outre sa richesse documentaire et ses apports en terme de making of, est de resituer The Third Man et son tournage dans son contexte (historique, géopolitique, économique et social). Fiction et réalité, comme dans le film, sont régulièrement confrontées pour mettre en évidence leurs points de rencontre et leurs différences. Concernant le parti pris esthétique de Frederick Baker, notamment ses projections d'extraits du film (trop nombreux ?!) sur les lieux publics du tournage, il divisera probablement les spectateurs. Certains seront séduits par son originalité et son impact visuel, les autres trouveront un peu artificiel le projet de faire renaître, par ce procédé, Vienne comme personnage essentiel du film.
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*sur laquelle le documentaire, dans une version courte, a été diffusé l'année dernière ainsi que sur BBC 4, à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Graham Greene.

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