mardi 19 avril 2005

Oldeuboi (old boy)


"... Dégage-toi."

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Il n'est pas très surprenant que ce soit un jury présidé par Quentin Tarantino qui ait décerné le "Grand prix" du Festival de Cannes au film de Park Chan-wook. Les deux réalisateurs partagent, en effet, plusieurs points communs. Ils sont cinéphiles, prennent visiblement beaucoup de plaisir à tourner et apprécient l'humour et la provocation. Mais alors que le premier pastiche, avec parfois, certes, quelques grands moments d'inspiration, le second rénove, innove même. En trois longs métrages, le cinéaste coréen est devenu une figure majeur du cinéma contemporain. Oldeuboi confirme souverainement le talent déjà manifeste dans Gongdong gyeongbi guyeok JSA et Boksuneun naui geot. Nul doute que, sans la volonté de Tarantino de marquer le palmarès cannois de son empreinte en couronnant le documentaire politique de Michael Moore, le film de Park Chan-wook aurait obtenu une "Palme d'or" amplement méritée. Mais qu'importe ! Oldeuboi est certainement l'une des œuvres clés de cette première décennie du nouveau siècle.
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Fin des années 1980. Oh Dae-su, marié et père de famille, est enlevé, sans raison apparente, à sa sortie d'un poste de police. Enfermé dans une chambre-cellule pour une durée indéterminée, ses seuls liens avec l'extérieur sont le geôlier qui lui apporte ses repas et la télévision. Il apprend, par cette dernière, l'assassinat de son épouse dont il est le suspect principal. Pour ne pas sombrer dans la folie, Oh Dae-su s'entraîne au combat en mimant ce qu'il voit à la télévision et cultive une rage vengeresse contre son ravisseur inconnu. Quinze ans près son incarcération, Oh Dae-su est brutalement libéré. Le soir même, un individu est chargé de lui remettre un portefeuille avec de l'argent et un téléphone portable. Lorsque celui-ci sonne, l'appel émane du ravisseur, lequel propose à Oh Dae-su de découvrir son identité et la raison de son enlèvement.
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Avec Oldeuboi, Park Chan-wook réinvente, tout simplement, le film noir et en offre le premier opus du XXIe siècle. Si l'on y regarde de près, les codes du genre, quoique profondément modernisés, sont, pour la plupart, observés. On connaît, d'ailleurs, l'importance du rêve dans le film noir. Oldboy est, de ce point de vue, le plus long et sombre des cauchemars, davantage nourri par la littérature, notamment celle de Kafka, que par des modèles cinématographiques. Librement adapté, sur les conseils de Bong Joon-ho, (le réalisateur de Salinui chueok), d'une série de manga signée par Tsuchiya Garon, le film bouscule les repères tout en respectant soigneusement l'intelligence de son public. Lequel doit, de son côté, faire preuve de toute sa vigilance et de sa lucidité s'il veut profiter pleinement du spectacle. A partir d'une scénario machiavélique, non dépourvu d'humour, Oldeuboi est une fable (dont on pourrait analyser les dimensions morales et sociales) hallucinante et surréaliste, remarquablement mise en scène et puissamment rythmée par un montage nerveux et subtil. Le casting est également solide, emmené par un Choi Min-sik étonnant... en particulier pour ceux qui l'ont vu, auparavant, dans Chihwaseon d'Im Kwon-taek. Soulignons, avant de conclure, l'importance de la bande musicale composée par Jo Yeong-wook dont les tonalités, lyriques et concertantes, constituent souvent un splendide contrepoint aux images qu'elles accompagnent, parachevant le travail de déboussolage déjà évoqué. Autant dire que l'on attend avec impatience Kind geum-ja, le dernier volet de la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook actuellement en tournage. Bien plus que le probable remake US, Oldeuboi, dans lequel Nicolas Cage pourrait prendre le rôle principal.

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