vendredi 8 avril 2005

La Niña santa


"Tu as une vocation ?"

On attendait peut-être trop du second film de la réalisatrice argentine Lucrecia Martel. La Cienaga avait, il est vrai, par son originalité et sa tonalité déconcertante, suscité beaucoup d'espoirs. La Niña santa, coproduit par les frères Almodovar(et soutenu par la Cinéfondation*), n'est, certes, pas un mauvais film. Mais ce quasi huis clos à la narration lente et non syncopée ne parvient pas vraiment à faire entrer le spectateur dans cet univers à la dimension dramatique trop confinée, reposant davantage sur des non-dits flous que sur les dialogues. Le film a été présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2004.
Une petite ville de La Cienaga, cette région marécageuse du nord-ouest de l'Argentine, en hiver. Amalia et Josefina vont bientôt entrer dans l'âge adulte. Pendant les cours de catéchèse, elles évoquent, à voix basse, des sujets volontiers plus charnels. Amalia vit avec sa mère divorcée, Helena, dans le vieil Hôtel Termas, une propriété familiale. Celui-ci accueille un congrès de médecins. Alors qu'elle assiste, au milieu d'un groupe, à la prestation d'un musicien de rue, Amalia sent un inconnu se presser contre elle. Elle découvre, un peu plus tard, que cet inconnu n'est autre que le respectable docteur Jano, un des intervenants du congrès au charme duquel Helena n'est pas totalement insensible.
Symboliquement placé sous l'influence de "Carmen", l'extravagant opéra de Georges Bizet, La Niña santa est, paradoxalement, son antinomique. Lucrecia Martel, tout en développant un univers personnel et un style et un langage cinématographiques propres, y prêche (volontairement ?) une absolue banalité. Les dichotomies sacré-profane, corps-âme, vocation-interdit et faute deviennent vite oiseuses tout comme apparaît superficiel le rapprochement entre la médecine et la religion. Les états d'âmes et les dilemmes entre passion (au sens théologique du terme, i.e. souffrance) et libido des deux jeunes héroïnes perdent infiniment de leur sens dans la mesure où leur psychologie et leurs motivations sont à peine ébauchées au cours du film. Même la figure, complexe, de la normalité perverse du bon docteur Jano n'est pas approfondie, alors qu'il y avait matière à accentuer le malaise et, d'une certaine façon, le mystère. Reste cette intrigante rivalité secrète entre la fille et sa mère, ce dernier personnage étant l'un des plus intéressants du film et son interprète la plus convaincante du plateau. Et cette caméra, souvent en plans séquences et au cadre esthétiquement provocateur, au cœur des situations et au plus près des êtres, signe d'un réel talent... à mettre au service de scénarios plus aboutis.
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*structure mise en place par le Festival de Cannes pour accompagner de jeunes cinéastes dans la création de leur premier ou deuxième long métrage.

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