jeudi 3 mars 2005

J'me sens pas belle


"J'suis désolée..."

Premier long métrage de Bernard Jeanjean que l'on connaissait, jusqu'à présent, comme scénariste de télévision (P.J.), J'me sens pas belle est une comédie romantico-dramatique s'inscrivant, en apparence du moins, dans la lignée des Bridget Jones's Diary et consorts du cinéma anglo-saxon. En apparence seulement, car ce film français, aux allures théâtrales (huis-clos à deux acteurs), visiblement influencé par le travail du couple Jaoui-Bacri, joue sur d'autres ressorts et peut donc, à ce titre, revendiquer le statut d'originalité. Sorti en salles au milieu de l'été, à un moment où l'offre cinématographique était copieuse et la concurrence vive, le film n'a connu qu'un succès assez modeste. Il mériterait, pourtant, d'être découvert, l'édition vidéo constituant, pour cela, une opportunité privilégiée.
Fanny Fontana, célibataire trentenaire banale, a invité Paul Prozec, une relation de travail qu'elle connaît très peu, à dîner. L'objectif est clair, annoncé, sans ambiguïté, au téléphone à la bonne copine Charlotte, alias Chonchon : le faire "passer à la casserole" après le dessert. Mais, une fois Paul, apparemment indifférent, arrivé, rien ne se déroule comme prévu et Fanny perd progressivement le contrôle de la situation. Les deux esseulés, après s'être assurés, plus ou moins habilement, de la disponibilité du partenaire, se découvrent très différents. Paul part prématurément s'occuper de sa sœur, en situation de crise conjugale, puis revient parce qu'il a oublié son portefeuille. Fanny va-t-elle réussir à le retenir ? En a-t-elle, d'ailleurs, réellement envie ? Et que cherche vraiment Paul ?
L'un des défauts les plus détestables chez un individu est de forger son opinion à partir d'a priori. Et, dans la sphère du cinéma, cela s'avère particulièrement répandu. De ce point de vue, J'me sens pas belle cumulait les handicaps. Un premier film, intimiste de surcroît, illustrant un sujet d'actualité, certes, mais déjà largement galvaudé et mettant en scène des acteurs pour lesquels le public ne possède pas une ferveur de groupie. Le début du film semble confirmer les pires craintes. On a le sentiment que cela tourne à vide, tout en convoquant les clichés du genre. Et puis... c'est la surprise. Plus on apprend à connaître les protagonistes et plus le charme opère. Les caractères y sont, en effet, relativement plus riches et complexes que ceux des films comparables et la caricature n'est, de fait, utilisée qu'à titre humoristique, sorte de tenue de camouflage créant, par ailleurs, un contraste judicieux et opportun avec les aspects plus profonds des personnages. Le scénario est plutôt bien écrit, ménageant une tension qui capte la curiosité du spectateur, et les dialogues sont souvent savoureux. On se prend de sympathie pour cette jeune femme apparemment quelconque mais contrastée, entreprenante mais craintive, mythomane blessée et fragile à la beauté cachée campée par l'imprévisible et étonnante Marina Foïx. Et l'on est intrigué par cet informaticien suspect et faussement classique interprété avec talent par ce très estimable acteur qu'est Julien Boisselier. Un bon coup d'essai à confirmer... avec les encouragements du jury ! 

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