vendredi 14 janvier 2005

Zatôichi to Yôjinbô (zatôichi contre yôjinbô)


"Vous allez voir l'enfer comme si vous y étiez."

Pour ce vingtième chapitre des aventures de Zatoîchi, la Daiei veut marquer la série avec ce qu'elle appelle, en toute modestie, "le duel du siècle". Le studio japonais avait-il mesuré le risque d'une action du public pour publicité mensongère ? Car, pour le coup, le titre américain, "Zatoichi Meets Yojimbo" remet, cette fois-ci, utilement les sabres dans leur fourreau (expression consacrée remplaçant celle des pendules à l'heure !). L'idée de départ était, il est vrai, séduisante : opposer le désormais célèbre yakuza aveugle Ichi et le déjà mythique rônin imaginé et formidablement mis en scène, neuf ans plus tôt, par Akira Kurosawa. Qui plus est, en donnant à ce dernier les mêmes traits, ceux de Toshirô Mifune. Mais, l'histoire du cinéma l'a prouvé, ce genre d'entreprise est rarement couronné de succès. Surtout lorsque la promesse n'est pas tenue. Zatôichi to Yôjinbô n'est pas, loin de là, un mauvais film. Mais il est profondément atypique dans la série et possède suffisamment de défauts, à commencer par son hésitation entre drame authentique et comédie baroque, pour le rendre déroutant aux yeux des amateurs de la saga... A moins qu'il s'agissait de l'objectif recherché !
Désarmé et pris d'une langueur nostalgique au milieu de l'enfer d'un monde envahi par la violence, Ichi décide de retourner dans un village paradisiaque où il avait séjourné trois ans auparavant. Mais ce doux pays qu'embaumait la fleur de prunier n'est plus ce qu'il était. A la suite d'une dramatique famine, il est tombé sous la coupe du clan Kobotoké et de son parrain Masagoro (Masakane Yonekura) qu'une guerre vénale oppose à son propre père, le marchand Eboshiya (Osamu Takizawa). Masagoro désire, en effet, mettre la main sur l'or que celui-ci a dissimulé dans une cachette qu'il n'a pas encore découverte malgré ses efforts incessants et le concours, il est vrai laxiste, du samouraï Sasa Yojimbo (Toshirô Mifune). L'ancien chef du village, Hyoroku (Kanjuro Arashi) s'est, quant à lui, reconverti en tailleur de pierre et donné pour mission, avant sa mort, de sculpter autant de statues Jinko que de victimes, directes et indirectes (cent-trente), de la famine et de son erreur politique. Ichi, après avoir retrouvé avec émotion la belle Uméno (Ayako Wakao), visiblement éprise du soudard Yojimbo, devient le masseur et garde du corps d'Eboshiya. Il apprend également que son patron a constitué son magot en détournant, avec la complicité de son fils cadet, un officier d'Edo, une partie de l'or destiné à la frappe de la monnaie, remplacée par un métal moins précieux. Tout est bientôt près pour l'affrontement final. D'autant que le mercenaire Kuzuryu (Shin Kishida) est arrivé en ville, prétendument pour protéger Eboshiya, et que Yojimbo n'est peut-être pas celui qu'il prétend être.
En reprenant la trame narrative du Yojimbo de Kurosawa (laquelle avait déjà inspiré, rappelons-le, un certain Sergio Leone), Zatôichi to Yôjinbô n'évite pas de ressembler à un western "sabré", moins efficace que son modèle. Mais là n'est pas son principal défaut. Le film en possède au moins trois bien plus importants. Le premier est un traitement totalement elliptique de l'histoire qui ne fait apparaître, sans solide raison, les enjeux réels que tardivement. Le deuxième, formel mais capital, c'est que le réalisateur use et abuse du montage alterné au point de donner au spectateur l'impression de regarder des séquences qui n'ont pas de liens entre elles, impression renforcée par l'absence de moments véritablement forts ou de climax cohérent. Enfin, et le plus grave, c'est le détournement de l'esprit du personnage de Zatôichi qui ne se contente plus de réagir à la violence mais la provoque en épousant la cause utopique (et, sur le plan du concept, suicidaire) d'Uméno, éliminer tous les yakuzas. Peut-être est-ce la faiblesse originelle du projet qui a contraint la Daiei à confier cet épisode de la franchise à Kihachi Okamoto, cinéaste qui n'y avait encore jamais participé (et pour lequel le film restera l'unique contribution), plus connu pour son film relatant le projet de coup d'état militaire dans le Japon post Hiroshima, Nihon no ichiban nagai hi (avec encore Toshirô Mifune à l'affiche). Coïncidence, la même année que Zatôichi to Yôjinbô, sortait Machibuse d'Hiroshi Inagaki, le seul autre film réunissant Shintarô Katsu et Toshirô Mifune, dans lequel ce dernier tenait également le rôle d'un Yojimbo.

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