mardi 18 janvier 2005

Ernesto Che Guevara, das bolivianische Tagebuch (ernesto che guevara, le journal de bolivie)


"D'abord mes idéaux."

Entre une biographie d'Arthur Rimbaud(1991) et un documentaire sur l'Affaire Grüninger (1997), le réalisateur suisse Richard Dindo met en images le journal bolivien d'Ernesto 'Che' Guevara qui relate son dernier combat. On sait mieux, depuis Diarios de motocicleta, que celui qui fut l'un des principaux héros de la révolution cubaine aimait à tenir des carnets de voyage. Si son périple juvénile à travers l'Amérique latine a, sans aucun doute, contribué à forger sa conviction politique et développé son empathie vis-à-vis des plus pauvres, sa longue errance au départ du camp de Nancahuazu lui a apporté la fatale démonstration de la distance qui le séparait encore de la société idéale à laquelle il rêvait. Ernesto Guevara qui a prouvé, à plusieurs reprises, qu'il était un homme intransigeant lorsque ses idéaux étaient en jeu, ne pouvait endosser le treillis d'une révolution institutionnelle. Opposé au communisme de la guerre froide, son ambition socialiste était à l'échelle de toute la partie méridionale du continent où il était né, pré carré "naturel" du grand ennemi yankee. Rarement l'expression "mourir pour des idées" n'aura été aussi adaptée que dans son cas.
Le documentaire couvre les onze derniers mois de Guevara, et un peu plus. En effet, si le journal proprement dit débute le 7 novembre 1966 pour s'achever le 7 octobre de l'année suivante, le film propose une introduction et une conclusion qu'il ne possède pas. Tout débute avec le discours, prononcé en février 1965 par Guevara, ministre de l'industrie du Président Carlos Rivero Agüero, lors d'une conférence afro-asiatique qui se tient à Alger, dans lequel il "reproche au camps socialiste d'exploiter les pays du tiers-monde et d'être, ainsi, complice de l'impérialisme occidental." De retour à Cuba, Guevara est contraint, sous l'amicale mais ferme pression soviétique, de démissionner. Il quittera, volontairement, son pays d'adoption le 12 mars, laissant sur place femme et enfants. Après un passage au Congo, il arrive à La Paz le 3 novembre 1966 et se rend, dans les jours qui suivent, sur le terrain de la guérilla, dans la région de Santa Cruz. L'objectif qu'il s'assigne est de développer celle-ci en direction des pays limitrophes. Ses moyens de départ sont modestes. Cinquante et un hommes (30 boliviens 16 cubains, 3 péruviens et 2 argentins) mais la conviction, erronée, que leurs actions feront adhérer les paysans, qu'ils défendent, à leur cause. Quelques dates essentielles résument le journal tenu par Guevara. 31 décembre 1966 : échec de l'entretien avec Monje, le secrétaire général du PC bolivien, qui revendique, sans succès, l'autorité politico-militaire de la guérilla. 11 mars 1967 : désertion de deux boliviens qui informent les autorités militaires du pays. 23 mars : premier combat, sept soldats gouvernementaux sont tués et des officiers sont faits prisonniers. 4 avril : découverte du camp de base de la guérilla par l'armée. 6 et 7 juin : manifestation de solidarité avec la guérilla des mineurs d'Huanuni et décret d'état de siège. 26 juin : le lieutenant Carlos Cuello, dit Tuma, le plus proche des collaborateurs de Guevara, est tué. 24 juillet : violente et sanglante répression des mineurs de Catavi et Huanuni. Septembre : l'armée bolivienne, équipée et formée par des soldats US, poursuit le groupe résiduel de guérilleros. Le 8 octobre, Guevara est repéré et arrêté dans les gorges de Yuro. Emmené à La Higuera, il sera exécuté le lendemain en présence d'un officier supérieur bolivien et d'un agent de la C.I.A.
Présenté au Festival de Locarno 1994 et FIPA* d'or 1995, Ernesto Che Guevara, le journal de Bolivie est le premier documentaire** qui ait mis en lumière cette période de la vie du révolutionnaire idéaliste. Apparemment de facture classique, son originalité tient au fait que les lieux et les témoins les plus proches des événements n'aient quasiment pas changé. En suivant le parcours emprunté par Ernesto Guevara et ses hommes, en écoutant les commentaires des habitants qui les ont rencontré, le spectateur a presque le sentiment d'être avec eux. Bien entendu, le film repose également, pour partie, sur de nombreuses images d'archives. Mais, seules, elles n'auraient pas permis la même imprégnation dans cette aventure utopique devenue une tragédie pathétique. Le film est, comme la progression au milieu des reliefs et paysages boliviens, lent et contemplatif, impression renforcée par la narration monocorde de Jean-Louis Trintignant (lecture du journal) et de Christine Boisson (pour les autres parties). La dimension et l'engagement politiques du document sont discrets mais réels. L'auteur ne s'en cache d'ailleurs pas dans l'interview qu'il donne en marge du film. Formulons, en conclusion, un regret : l'absence des témoignages des compagnons survivants du 'Che'.
___
*Festival International de Programmes Audiovisuels.
**la production franco-argentine El Che, réalisé par le couple Aníbal Di Salvo-Maurice Dugowson date de 1997.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire