dimanche 3 octobre 2004

Ong-bak


"Hanuman visite Lanka."

Le cinéma thaïlandais, cinéma de genre pour l'essentiel (drame romantique, comédie, thriller horrifique - rappelez-vous le segment intermédiaire de 3, histoires de l'au-delà - ou, bien sûr, film d'action) arrive assez rarement jusqu'à nos écrans, que ce soit en salles ou en DVD*. Ong-Bak, dont l'accouchement fut long et douloureux, a eu la chance de voir se pencher sur son berceau une fée un peu particulière : Luc Besson. Emballé par le film, le producteur-réalisateur lui permet de bénéficier d'une campagne de promotion et d'une distribution en France qu'intrinsèquement le film ne méritait pas. Plus gros succès, à ce jour, du cinéma thaïlandais, Ong-Bak a réunit près d'un million de spectateurs français en un peu plus de quatre semaines, ce qui, pour fixer les idées, le place, au box-office, juste devant... Master and Commander !
En déplacement dans le village de Nong Pradu pour acheter, en vain, une amulette, un certain Don (Wannakit Sirioput) y vole la tête de la divinité locale, Ong-bak. Ting (Tony Jaa), la vedette locale pour ses talents physiques et expert dans l'art martial national, le muay-thaï boran, se porte volontaire pour aller à Bangkok récupérer le précieux objet. Arrivé dans la capitale, il y rencontre un ancien camarade du village, Ham Lae (Petchtai Wongkamlao), qui se fait à présent appeler George et vit d'expédients et du jeu, et Muay Lek (Pumwaree Yodkamol), sa complice. Tous deux vont, après réflexion, aider Ting dans sa dangereuse entreprise qui va l'opposer à un gang dont l'une des activités est le trafic de statues du patrimoine local.
Il y deux façons de voir ce film. Comme une production thaïlandaise comme une autre, dont l'intérêt est de montrer un art martial comme on ne l'a encore jamais vu. Et il faudrait, dans ce cas, le visionner dans son montage et sa version strictement originaux. Ou comme un produit remanié et "marketé" (et non marqueté, pardon pour le néologisme) par les bon soins de Luc Besson, et il n'y a, alors, aucune raison de le faire sortir des grilles d'analyse du cinéma occidental. Dans cette dernière perspective, l'appréciation que l'on peut faire d'Ong-bak est mitigée. Certes, les scènes de combat et, paradoxalement, celles de fuite, sont plutôt spectaculaires. Mais elles servent une intrigue aussi épaisse que l'épluchure externe d'un oignon. En tout cas nettement moins probante que celle de son évident modèle, Tang shan da xiong. En outre, les répétitions des actions en prises multi-angles deviennent vite répétitives et lassantes, même si, encore une fois, les techniques mises en jeu, et notamment les enchaînements aériens mi gymnastes, mi dansés, sont impressionnantes. Dans la version européenne, certaines de ces séquences sont accompagnées d'une musique hip-hop destinée à ravir le jeune public mais qui crée un contraste culturel trop violent pour les autres. Et à propos de violence, soulignons les excès du final dans ce domaine. Restent une scène d'ouverture plutôt réussie, celle, exotique, de poursuite en touk-touk, un rythme soutenu et une intéressante opposition entre tradition et modernité qui s'étiole, hélas, trop vite. Quant à savoir, enfin, si Phanom Yeerum dit Tony Jaa, dont c'est le premier rôle principal, est le digne successeur de Bruce Lee, il est peut-être un peu trop tôt pour l'affirmer. Si l'acteur dispose d'un "arsenal" technique convaincant et d'une plastique qui rappelle celle de son aîné, il ne possède pas, pour l'heure, le charisme immédiat et troublant (en partie lié à son métissage) du héros de Enter the Dragon.
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*on aimerait, d'ailleurs, en voir quelques intéressants représentants, comme Beautiful Boxer ou Ruang rak noi nid mahasan.

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