dimanche 3 octobre 2004

Neak sre (les gens de la rizière)


"... l'animal qui rampe sur le sol puis s'envole dans le ciel, en oubliant ce qu'il a été ?"

Troisième long métrage du cambodgien Rithy Panh mais le premier de fiction, Neak sre s'inspire à la fois de la mémoire de son auteur et, librement, de l'ouvrage de l'écrivain malais Ahmad Shahnon, "Le Riz". Présenté en sélection officielle à Cannes en 1994, le film trouve, en effet, son origine dans l'histoire personnelle du réalisateur (fuyant le régime de Pol Pot, il est accueilli, en 1979, au camp de Mairut, en Thaïlande) et dans sa rencontre avec une réfugiée à l'occasion du tournage de Site 2.
Yong Poeuv, son épouse Yim Om et leurs sept filles vivent de la culture du riz. Toutes les énergies sont requises pour ce travail difficile et harassant. A l'aube de la nouvelle saison de semence, Yim Om échappe de justesse à la morsure d'un cobra puis Yong Poeuv est blessé gravement au pied, ce qui l'empêche de prendre part au labour et aux autres activités préparatoires à la future récolte.
Ce qui fait le charme de Neak sre, c'est ce mélange subtil de réalisme (éthno-)documentaire et de romantisme poétique. Le film pose, en images plus qu'en mots, la question de l'équilibre, toujours fragile, de la vie, du rapport à la nature et au temps, de la raison et de la folie, de la communauté et de l'altérité. Le riz devient, symboliquement, la vie qu'il faut sauver en permanence, par le travail, des intempéries ou des différents ennemis nuisibles. Lorsque l'effort s'arrête, pour une raison ou une autre, la mort ou la folie l'emporte. On ne peut s'empêcher de penser à Hadaka no shima, même si Neak sre ne possède pas une charge tragique comparable. Allégoriquement, le premier serait plutôt du côté du mythe alors que le second se situe résolument du côté de l'homme. Neak sre est un beau film, âpre, un peu long, mais nécessaire

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