vendredi 10 septembre 2004

Anything Else (anything else, la vie et tout le reste)


"Ca me parait fatal."


Ce trente-troisième opus allénien, après trois comédies essentiellement burlesques, retrouve un ton à la fois drôle et grave. Il est vrai qu'avec le réalisateur, le drame n'est jamais très loin. Tout comme il aime ressusciter certains de ses personnages précédents pour faire appel à notre mémoire de spectateurs, ce qui est manifeste ici. Film d'ouverture, hors-compétition, de la Mostra de Venise 2003, Anything Else, par le hasard de la programmation, était diffusé en France en même temps qu'un certain American Wedding avec lequel il partage la tête d'affiche, Jason Biggs. Faut-il rappeler lequel des deux a enregistré l'adhésion publique la plus forte ?
Jerry Falk (Jason Biggs), un écrivain de Manhattan, rencontre David Dobel (Woody Allen) qui devient rapidement une sorte de mentor pour lui. Jerry partage la vie d'une apprentie-comédienne, Amanda (Christina Ricci), avec laquelle il va progressivement connaitre un authentique calvaire. Un flash-back nous montre leur rencontre, à l'époque où Jason vivait avec Brooke, et le début de leur idylle romantique parfaite. Oui mais voilà, Paula, la mère d'Amanda, est venu vivre dans leur petit appartement et, déjà complexée, insomniaque et boulimique, cette dernière ne peut plus avoir de relations sexuelles avec son compagnon. Pour couronner le tout, Jason a le sentiment que les séances d'analyse qu'il suit depuis longtemps ne lui permettent pas de résoudre ses problèmes concrets, il n'arrive pas à quitter Harvey (Danny DeVito), son agent incapable, avec lequel il reste par pur sentimentalisme et il est convaincu qu'Amanda le trompe. Lorsque Dobel lui propose de partir pour la Californie et de faire équipe pour la rédaction de scénarii destinés à la télévision, Jason y voit un salvateur nouveau départ mais redoute de tirer un trait sur sa vie actuelle.
La nouveauté avec ce film, dans la carrière de Woody Allen, c'est qu'il est vraisemblablement le premier de la vieillesse de son auteur. Le metteur en scène et acteur n'est plus le personnage central, ou au moins l'élément déterminant. Il se met au service d'un "dispositif" qu'il ne contrôle ou n'influence plus totalement. C'est d'autant plus évident qu'il s'agit également de la première œuvre de la transmission. Il passe le relais à un jeune acteur, un double (probable explication du nom du personnage qu'il incarne), chargé de raconter l'histoire en prenant à témoin le spectateur. Allen, qui ne peut plus raisonnablement jouer les séducteurs de jeunes demoiselles, semble enfin vouloir assumer, dans son rôle de maître à penser paradoxal*, l'image de la paternité. De son côté, Jerry Falk est l'héritier, en ligne directe, d'Alvy Singer d'Annie Hall. Même profession, même manie de s'adresser à la caméra, attirance identique pour les femmes hystériques, compliquées et frigides (il est vrai, l'archétype de la femme dans l'univers allenien). Pourtant, les deux films sont, qualitativement, incomparables.
Anything Else (dont, au passage, le titre français veut nous faire croire, folle ambition, qu'il existe autre chose que la vie !) manque de souffle. Le monde, habituellement étroit à dessein chez Allen, devient étriqué et inutilement bavard. La prestation des acteurs, Christina Ricci et Danny DeVito excepté (et encore !), n'est pas convaincante. Jason Biggs, sur lequel repose le film, n'offre pas à son personnage une étoffe plus consistante que celle qu'il apporte à Jim Levinstein dans American Wedding. Même la photographie de Darius Khondji n'arrive pas à égaler celle de ses prédécesseurs, en particulier le regretté Carlo Di Palma. Près de deux heures de film pour deux scènes au dialogue réellement intéressant et drôle et pour moins d'une minute de magie, celle où apparaît la belle et suave Diana Krall, le ratio est faible. Tiens, à propos, je me repasserais bien Live in Paris, moi !!
___
*il est, par exemple, hostile à tous les donneurs de conseils, lui qui va être à l'origine du bouleversement total de la vie de son jeune protégé (?) ou, encore, son obsession (armée) de la haine antisémite ne l'empêche pas de rouler en Porsche... une voiture qui porte le nom d'un collaborateur de l'Allemagne nazie, créateur, à la demande de son chef, de la célèbre volkswagen ("voiture du peuple"). 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire