mardi 31 août 2004

El Chuncho, ¿quién sabe? (el chuncho)


"Pour services rendus."

Année faste pour le western italien, 1966 marque également le début d'une ambition que l'on n'avait pas encore imaginée : celle de faire un cinéma, certes toujours populaire, mais dont le style et la qualité ne sont pas négligés. Il Buono, il brutto, il cattivo et Django (voir critique) en sont les meilleures illustrations de cette évolution... et les plus grands succès publics. Damiano Damiani, dont c'est le premier des deux westerns, emprunte, avec ce El Chuncho, ¿quién sabe?, la voie du film politique dont Confessione di un commissario di polizia al procuratore della repubblica et L'Istruttoria è chiusa: dimentichi seront, au début des années 1970, les pièces maîtresses.
Au Mexique, en 1910, armées gouvernementale et révolutionnaire s'opposent farouchement, faisant quotidiennement son lot de victimes. Un américain, le "gringo" Tate (Lou Castel) monte à bord d'un train de passagers chargé d'armes et de soldats mexicains. Le train est bientôt attaqué par Chuncho (Gian Maria Volonté) et ses hommes. Le gringo participe à l'attaque en stoppant le convoi. Après s'être passé une paires de menottes, il fait croire à Chuncho qu'il est recherché aux Etats-Unis et on accepte qu'il se joigne à la bande. Constituée d'aventuriers à mi chemin entre bandits et rebelles, celle-ci vole des armes pour les revendre au général Elias, le chef de la révolution. Baptisé El Nino par Chuncho, l'américain participe à plusieurs raids contre des garnisons nationales. Le stock d'armes représente à présent une belle somme. Avant de se rendre à la cache du général Elias, la troupe fait étape à San Miguel qui, par la lutte, a réussit à retrouver sa liberté. Mais certains des membres, notamment Adelita (Martine Beswick), adroitement convaincus par El Nino, trouvent que l'on y passe trop de temps. Ils partent, sans Chuncho, en emportant les armes, précisément au moment où la ville va être attaquée par les forces gouvernementales. El Santo (Klaus Kinski), un des hommes clés du groupe et l'un des plus sincères dans ses convictions révolutionnaires, reste à San Miguel. Chuncho, prenant prétexte d'aller récupérer la mitrailleuse emportée par ses hommes, les rejoint.
Trois titres pour un seul film ? Cela fait un peu trop. L'énigmatique "Quien sabe ?" a ma préférence, au détriment du peu subtil et révélateur "A Bullet for the General" anglo-saxon. El Chuncho est une histoire de mercenaires qui dénonce intelligemment l'ingérence états-unienne dans la politique intérieure des pays de sa périphérie. Il est aussi la confrontation entre deux personnages que tout oppose. Un "nordiste" cérébral et machiavélique, pour lequel la fin justifie presque tous les moyens et un "sudiste" instinctif et sincère, capable d'une réelle prise de conscience politique. Si le traitement est relativement classique, l'intérêt narratif, le rythme enlevé et la qualité du casting permettent de suivre les plus de deux heures du film sans aucune difficulté, et même d'y prendre un authentique plaisir. Certainement plus grand que celui procuré par le Villa Rides de Buzz Kulik qui reproduisait un duo presque identique. Dans le deuxième de ses trois films tournés avec Damiano Damiani, Gian Maria Volonté développe une composition qui alterne exubérance brutale et vulgaire (voir, à ce propos, la critique DVD) et sensibilité, faisant à nouveau la preuve, dans un personnage archétypal donc délicat, de ses grands talents d'acteur (engagé !). Klaus Kinski, qui apparaît assez peu à l'écran, marque toutefois le film de sa forte présence après son rôle de tueur bossu dans Per qualche dollaro in più. Enfin Lou Castel donne toute l'ambiguïté presque antipathique nécessaire à ce rôle ingrat de "gringo".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire