lundi 21 juin 2004

Zatôichi monogatari (zatôichi, le masseur aveugle)


"Toi, tu défends ton honneur envers et contre tout. Moi, c'est le contraire."

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Voilà donc le tout premier épisode de ce masseur Ichi (Zatoichi) qui trouve son origine dans une des œuvres littéraires de Kan Shimozawa. Il n'y est, d'ailleurs, pas un personnage principal. Mais faire d'un apparemment insignifiant masseur aveugle un sabreur hors pair est une riche idée. D'abord parce qu'il n'inspire, a priori, aucune crainte à ses futurs ennemis... lorsqu'il n'est pas l'objet de leurs railleries. Et qu'il en est d'autant plus redoutable. Ensuite, parce que le spectateur est naturellement enclin à lui accorder sa sympathie (au sens étymologique du terme), surtout lorsqu'il découvre qu'il n'est pas seulement handicapé mais aussi sage, sensible et juste. Ce n'est pas le premier héros japonais souffrant d'une infirmité. Il a, notamment, été précédé par Sazen Tange, un samouraï borgne créé par Hayashi Fubo en 1927, lui aussi plusieurs fois porté à l'écran. Mais c'est, sans nul doute, le plus populaire au Japon. Vingt-six films produits par la Daiei, puis par la Toho, lui ont été consacrés de 1962 à 1974, série se terminant avec un dernier volet en 1989. Une série télévisée a pris le relais entre 1976 et 1979. Et toujours avec le même acteur, Shintarô Katsu. Copié (en particulier par la féminine et également aveugle Mekura no oichi* du studio concurrent Shochiku) mais incomparable, Zatoichi était peut-être à l'esprit de Stan Lee et Bill Everett lorsqu'ils créèrent, en 1964, le contemporain Daredevil.
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Pendant l'ère Tokugawa, période de déclin de l'influence et du rôle des samouraïs, Zatoichi (Shintarô Katsu), un masseur et joueur de dés aveugle, rend visite à Sukegorô (Eijirô Yanagi), un chef de gang, dans son fief de Iioka. Celui-ci est ravi de l'accueillir car il connaît sa maîtrise du sabre et pense l'utiliser pour contrer l'offensive attendue de son rival de Sasagawa, Shigezô (Ryuzo Shimada). Un samouraï venant d'Edo, Hirate (Shigeru Amachi), a été précédemment recruté par ce dernier pour lui assurer un avantage incontestable dans le combat. Zatoichi et Hirate se rencontrent à l'occasion d'une inattendue partie de pêche et se lient d'amitié. Le premier décèle presque immédiatement une maladie chez le second (la tuberculose). Lorsque la guerre entre les deux gangs éclate, les deux hommes doivent s'affronter, presque contre leur volonté, en duel. L'issue du combat désignera la camps vainqueur.
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Un modèle du film de chambara. Pourtant, paradoxalement, il n'y a que peu de combats au sabre. Kenji Misumi et Minoru Inuzuka, le réalisateur et son scénariste, prennent leur temps (environ une demi-heure) pour "poser" les personnages et leur psychologie. Pour développer, également, une intrigue parallèle entre un duo constitué par Otane (Masayo Banri), une jeune femme qui va tomber amoureuse de Zatoichi, et son frère Tatekichi (Michio Minami). La tension monte lentement et le spectateur est de plus en plus impatient de voir, enfin, le héros à l'œuvre. L'affrontement le plus intéressant du film aura lieu de nuit et sera d'une fulgurance inouïe. Pas d'effusion ni de lacération, juste une sobre efficacité, presque symbolique. Il faut insister sur la qualité de la mise en scène, toujours inspirée et inventive. Par exemple, à plusieurs reprises, et en particulier au début de cette étonnante partie de pêche où les deux futurs adversaires sont mis en présence, le spectateur est, grâce à une intelligente caméra subjective, remarquablement mis dans les conditions de perception sonore de Zatoichi. Le film est aussi intéressant parce que le personnage principal, loin des archétypes d'arrogance et de vanité, ne fait l'usage de ses talents qu'à contre-cœur. S'il a réussit, au moins partiellement, à surmonter son handicap grâce à une maîtrise exceptionnelle et singulière de son shikomi-zue (canne-sabre), il reste, toutefois, un être meurtri, au "regard" désabusé sur le monde et lui-même.
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*plus connue sous le nom de Crimson Bat.

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