lundi 14 juin 2004

The Human Stain (la couleur du mensonge)


"Chaque erreur humaine possède un accélérateur sexuel. Ce qui te régénère peut aussi te détruire."

Réunir un écrivain à succès, un réalisateur oscarisé et le duo d'acteurs Hopkins-Kidman semblait, sur le papier, une bonne recette pour réussir un film. Sur le papier. Car le résultat à l'écran est plutôt décevant. Et c'est une bonne nouvelle. Paradoxe ? The Human Stain prouve, seulement, que disposer d'ingrédients de qualité ne suffit pas. Le cinéma, malgré l'utilisation courante, pour le qualifier, du vocable industrie, reste un art complexe, délicat, imprévisible, en un mot : magique. Peut-être Robert Benton a-t-il perdu la main. Cela fait, il est vrai, cinq ans qu'on ne l'avait pas vu derrière la caméra, depuis Twilight, précisément, qui n'était pas, non plus, un grand film. Trop d'infusion de lauriers, ceux que lui avait dressé la profession en lui décernant, rapidement, "Oscars", "Golden Globes" et autres "Ours d'argent"* ? Ou, plus simplement, victime de cette langueur qui semble envahir la majeure partie du cinéma hollywoodien ?
Un break sur une route enneigé à l'aube. A bord, une jeune femme dort sur l'épaule du conducteur, un homme bien plus âgé. Un véhicule survient en face, se déporte et, pour l'éviter, le break quitte la route et se retourne. Tel est le point de départ d'une narration en flash-back, celle de Nathan Zuckerman (Gary Sinise), à propos de son ami Coleman Silk (Anthony Hopkins). Professeur de lettres classiques et doyen de l'université d'Athena (Massachusetts), celui-ci démissionne de son poste parce qu'on l'accuse de racisme. Il a appelé, en classe, zombies (spooks) deux étudiants qu'il n'a jamais vu à aucun de ses cours. Le malheur a voulu qu'ils soient tous les deux noirs. Et sa (prétendue) judéité ne plaide pas en sa faveur. En apprenant la nouvelle, son épouse meurt d'une embolie. Il propose son histoire à Zuckerman, un écrivain récompensé qui vit isolé à la campagne. Les deux hommes sympathisent, jouent aux cartes et se confient l'un à l'autre. Silk rencontre une étrange jeune femme, Faunia Farley (Nicole Kidman) dont il tombe amoureux. Faunia appartient au personnel d'entretien de l'université, travaille à la poste et, contre un logement, s'occupe de la traite des vaches dans une ferme. Objectivement, rien ne les rapproche hormis le sexe et la tendresse. Tout le monde cherche à les séparer. Mais Silk s'obstine à préserver ce qu'il appelle son "dernier amour". La réalité est plus compliquée : Silk veut affronter, au crépuscule de sa vie, son propre dramatique secret.
Les œuvres de Philip Roth, "Prix Pulitzer" 1997, adaptées au cinéma n'ont, étrangement jusqu'à présent, donné lieu à aucun vrai bon film. Celui du scénariste de Bonnie & Clyde n'échappe pas à la règle. Déjà confuse à l'écrit, l'histoire de Coleman Silk devient carrément absconse à l'écran. Elle souffre également d'une absence presque totale de rythme et de l'imbrication de flashes-back dans la longue scène de rappel que constitue déjà le film. Le métrage tire en longueur, parfois sans réelle nécessité. Les acteurs principaux ne relèvent, hélas, pas le niveau, chacun dans une caricature de personnage qui ne leur ressemble absolument pas et auxquels ils ne parviennent pas à ressembler. Ce sont les rôles secondaires qui méritent un peu de notre attention, Gary Sinise et Ed Harris dans celui du mari psychologiquement bancal de Faunia Farley. Située dans les Etats-Unis de 1998 focalisés sur l'affaire "Clinton/Lewinsky", cette chronique de "l'indignation hypocrite" et de "l'esprit persécuteur" a vieilli prématurément dans un contexte désormais préoccupé par des dangers autrement plus inquiétants
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* pour Kramer vs. Kramer et Places in the Heart en tant que metteur en scène et/ou scénariste.



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