lundi 14 juin 2004

The Dark Mirror (la double énigme)


"On ne peut rien faire contre ces fous tant qu'ils n'ont pas enfreint la loi."

1946 est l'année de naissance du vocable "film noir". Une invention de critiques français qui découvrent, à la Libération, une série de films américains dont le style est proche. C'est également l'année de sortie du Postman Always Rings Twice de Tay Garnett, du Big Sleep d'Howard Hawks et de The Killers, le chef-d'œuvre de Robert Siodmak. Deux mois à peine séparent The Killers de Dark Mirror du même réalisateur sur les écrans US. Inspiré d'un ouvrage de l'écrivain français Vladimir Pozner (sélectionné pour les Oscars 1947, l'auteur a, à cette date, déjà collaboré avec Jean Negulesco et Marc Allégret), Dark Mirror n'a pas la même force et ne dispose pas de la même qualité d'interprétation.
Le détective Stevenson (Thomas Mitchell) enquête sur le meurtre du docteur Peralta. Ses soupçons se portent rapidement sur une jeune femme, Theresa Collins (Olivia de Havilland), aperçue la veille en sa compagnie. Mais celle-ci dément et affirme s'être promenée seule. Alibi que confirment plusieurs témoins. Stevenson découvre alors que la meurtrière présumée a une sœur jumelle, Ruth. En l'absence de preuve indiscutable permettant de les inculper, l'enquête s'interrompt et Tracy et Ruth sont laissées en liberté. Le policier demande néanmoins conseil auprès du docteur Scott Elliott (Lew Ayres), un psychologue, spécialiste des jumeaux qui, étrangement, avait reçu la visite du docteur Peralta, peu de temps avant d'être tué.
Même s'il en respecte certaines règles, Dark Mirror est davantage un drame psychologique qu'un authentique film noir*. Très influencé par la vague "psy" qui a commencé à déferler sur Hollywood, il faut plutôt le rapprocher, bien qu'il n'en possède pas la qualité, d'un Spellbound d'Hitchcock, sorti l'année précédente. L'intrigue réelle du film se noue au cours de ces séances d'analyse chez le Dr. Elliott destinées à percer et, finalement, mettre à jour la personnalités des deux sœurs. Elle vont révéler l'opposition secrète et primordiale entre les deux femmes, depuis leur enfance d'orphelines mais, également, pour gagner le cœur du médecin. Le film joue, bien entendu, en permanence sur la dualité et le reflet, employant régulièrement la forme symbolique du miroir. Dark Mirror repose, pour l'essentiel, sur le double rôle joué par Olivia de Havilland. Celle qui recevra, la même année, son premier "Oscar" pour un autre film (To Each His Own de Mitchell Leisen), et même si elle parvient à donner un profil intellectuel spécifique à chacun de ses deux personnages, n'est pas totalement convaincante dans son interprétation du double trouble psychologique. Elle retrouve, dans quelques rares scènes, son partenaire de Gone with the Wind, Thomas Mitchell. Seul Lew Ayres modère l'omniprésence de l'actrice à l'écran. Absent depuis quatre ans et le Fingers at the Window de Charles Lederer, Lew Ayres apparaît, déjà ici, en médecin avant de le redevenir dans l'un des films qui a marqué sa carrière, Johnny Belinda de Jean Negulesco, où il est le docteur Robert Richardson s'occupant d'une jeune muette jouée par Jane Wyman.
___
*l'aspect "noir" doit beaucoup au chef-opérateur Milton R. Krasner qui venait de s'illustrer successivement dans deux films de Fritz Lang, The Woman in the Window et Scarlet Street.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire