mardi 15 juin 2004

Coup de foudre


"Vous croyez pas qu'on peut refaire sa vie à trente ans ?"

Troisième film de Diane Kurys réalisatrice*, Coup de foudre est, comme ses prédécesseurs, largement auto-biographique. Après avoir évoqué ses souvenirs de jeune lycéenne dans Diabolo Menthe et la difficile transition vers l'âge adulte dans Cocktail molotov, la réalisatrice remonte dans le temps et aborde les origines de sa famille. Emmené par un duo d'actrices efficace et (presque)** inédit, le film remporte un vif succès en France mais aussi à l'étranger. Il est nommé quatre fois aux Césars 1984 (meilleur film, meilleure actrice, meilleur acteur dans un second rôle, meilleur scénario)*** et sélectionné, la même année, pour l'"Oscar" du meilleur film étranger (prix décerné au suédois Fanny et Alexandre).
En 1942, dans un camps d'internement du sud-ouest de la France, une jeune femme juive belge d'origine russe, Léna Weber (Isabelle Huppert), épouse, pour éviter d'être déportée en Allemagne, un soldat français, Michel Korski (Guy Marchand), lui aussi israélite. Au même moment, une élève des Beaux-arts de Lyon, Madeleine (Miou-Miou) se marie avec son camarade de cours, Raymond (Robin Renucci), lequel est tué, peu après, au cours d'une rafle de la milice. Dix ans plus tard, Léna rencontre Madeleine, remariée à Costa Segara (Jean-Pierre Bacri), à l'occasion d'une fête à l'école de ses filles. Les deux femmes deviennent progressivement liées par une amitié si forte qu'elle va déstabiliser les couples et briser les familles.
Hommage explicite à ses parents et à Madeleine, Coup de foudre est intéressant à plus d'un titre. D'abord parce que c'est un film de femme sur des femmes. Et, qu'en tant que tel, il décrit, avec simplicité et pudeur, sans omettre certaines de ses difficultés et contradictions, ce lent processus d'émancipation de la gent féminine initié après-guerre. Il montre que la libération de la morale sociale, opérée dans le sillage de la Libération politique, a rendu possible une alternative à l'amour conjugal. Ensuite c'est l'efficacité de l'interprétation des acteurs. Le "couple" Huppert-Miou-Miou**** fonctionne à merveille, la première dans le rôle d'une petite bourgeoise classique, passive mais déterminée (sorte de Mme Bovary du XXe siècle à laquelle on aurait ôté la dimension tragiquement fatale), mariée sans amour et qui aspire à autre chose sans savoir exactement quoi. La réponse lui sera apportée par la seconde, plus libre par vocation (c'est une artiste) et par la meurtrissure et le désenchantement précoces (liés à la perte de son amour à dix-sept ans). Malmenés par le scénario, les hommes ne doivent, néanmoins, pas être oubliés, Bacri moins caricatural qu'à son habitude et surtout Marchand qui connaissait, en ce début des années 1980, une série de rôles susceptibles de mettre en évidence son authentique talent d'acteur.
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*rappelons qu'elle a débuté sa carrière cinématographique comme actrice au début des années 1970.
**les deux comédiennes se sont croisées, neuf ans plus tôt, sur le tournage des Valseuses de Bertrand Blier.
***dans ces catégories, sont respectivement couronnés A nos amours de Maurice Pialat, Isabelle Adjani pour L'Eté meurtrier, Richard Anconina pour Tchao pantin et Patrice Chéreau-Hervé Guibert pour L'Homme blessé.
****la réalisatrice a rencontré ses deux comédiennes sur des tournages, Huppert sur Le Bar de la fourche (1972), son premier film en tant qu'actrice, Miou-Miou sur Elle court, elle court la banlieue (1973) et F... comme Fairbanks (1976). Elle confiera, à nouveau, un premier rôle à Huppert dans Après l'amour (1992).

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