mercredi 9 juin 2004

Bloody Sunday


"... Et vous récolterez un ouragan."

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Bloody Sunday est l'un des représentants de ce qui se fait de plus efficace et talentueux dans le cinéma britannique. Après un premier film déjà antimilitariste et un drame romantique, ce troisième film pour le cinéma de Paul Greengrass, également réalisateur de télévision, revient sur cette effroyable tragédie que l'on appelle le "Dimanche sanglant". En 1968, l'extrémisme protestant retrouve de la vigueur en Irlande, accompagné de manifestations anti-catholiques et d'émeutes. Les catholiques, de leur côté, créent le Mouvement des droits civiques, avant tout pacifiste, qui revendique des droits identiques pour les deux communautés. A la même époque, L'IRA (Armée Républicaine Irlandaise), créée en 1919, se scinde en deux: d'un côté les "Officials", proches du Sinn Féin (expression gaélique qui signifie "nous seuls" et mouvement nationaliste et républicain irlandais) et du marxisme, qui prônent la solidarité entre catholiques et protestants, de l'autre, les "Provisionals" qui veulent obtenir par la lutte armée l'unification des deux Irlandes.
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Le dimanche 30 janvier 1972, le député local, protestant mais proche des catholiques, Ivan Cooper (James Nesbitt) et le Mouvement des droits civiques d'Irlande du Nord organisent, dans les rues de Derry, une marche populaire et pacifique. Ils entendent protester contre les emprisonnements sans procès que multiplie le pouvoir britannique sous la pression des unionistes. Le trajet de la manifestation part des banlieues catholiques perchées sur les collines surplombant la ville et doit rejoindre la mairie, siège du pouvoir protestant, pour un débat public. Mais les autorités unionistes de Belfast, l'armée britannique et le gouvernement de Londres, dont le premier ministre est à l'époque Edward Heath, se sont mis d'accord pour que la répression de cette manifestation soit un évènement aussi exemplaire que médiatisé. Leur objectif est d'arrêter 500 personnes. A la tête des forces armées d'Irlande du Nord, le général Robert Ford (Tim Pigott-Smith) ordonne au général de brigade McLellan (Nicholas Farrell) une stratégie imposant au premier bataillon de parachutistes de procéder à des arrestations massives. Arrivé à proximité de l'Hôtel de Ville, Ivan Cooper refuse de s'opposer aux militaires et décide de changer de direction. Mais un petit groupe se détache, et va affronter les militaires. Dans la confusion générale, les parachutistes tirent à balles réelles sur les manifestants, tuant treize manifestants et en blessant quatorze autres. Avec cette opération sanglante, les autorités britanniques réussissent, malgré elles, la meilleure campagne de recrutement pour l'IRA. Celle-ci commettra, en effet, en réactio(..)
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Paul Greengrass a conservé sa technique de journaliste et reporter international. Réalisé comme un documentaire, caméra à l'épaule, en montage alterné et fondu au noir, Bloody Sunday peut se voir comme une archive historique, très forte et réaliste. A l'image d'une tragédie classique, le film est structuré en trois actes : la préparation de la marche (la moitié du métrage), la confrontation (un quart) et les conséquences (un quart). La tension est croissante, elle devient presque intolérable à la fin de la première partie. Avec un alternance rapide d'images captées auprès des manifestants puis des militaires, on découvre, à l'intérieur des deux camps, les divisions qui ont facilité le drame. Défenseurs du dialogue politique et partisans de l'action violente ; têtes brûlées qui veulent à tout prix en découdrent, casser du "hooligan" et ceux qui veulent, malgré les pressions politiques, éviter tout débordement. On comprend, néanmoins, dès les deux premières scènes, avec l'annonce de la marche et celle de l'interdiction de toute manifestation en Irlande, que l'implacable escalade fatale est en marche. Le réalisateur ajoute deux intrigues personnelles (et interreligieuses) à l'intérieur de l'événement historique. Celle des relations tendues entre Ivan Cooper et son amie Frances (Kathy Kiera Clarke), celle du jeune Gerry Donaghy (Declan Duddy), qui a déjà eu affaire avec la police et qui aime une jeune protestante. On pourrait dire encore mille choses* sur ce Bloody Sunday. Une seule conclusion s'impose : si vous ne l'avez pas déjà fait, regardez ce film !
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*peut-être y reviendrais-je !

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