mardi 9 mars 2004

Guizi lai le (les démons à ma porte)


"Les gens importants se font comprendre à demi-mot."


Avant d'être réalisateur, Wen Jiang était acteur, notamment dans Hong gao liang de Zhang Yimou. Guizi lai le est son second film, après Yangguang Canlan de Rizi de 1994, mais le premier produit par lui. Sélectionné au Festival de Cannes 2000, il en repartait avec le "Grand prix" d'un jury, présidé par Luc Besson, qui avait décerné la "Palme d'or" à Dancer in the Dark. Sorti en salles l'année suivante, il était, alors, passé presque totalement inaperçu ; ce qu'intrinsèquement il ne méritait pas.
L'action se situe en 1945 dans une région du nord-est de la Chine occupée par les japonais. Les prisonniers sont confiés, pour quelques jours, à Ma Dasan (Wen Jiang) par des inconnus, dont un certain Moi, que le dépositaire n'a pas pu voir. Pendant la première partie de la captivité, Kosaburo Hanaya (Teruyuki Kagawa), le japonais, n'a de cesse que de vouloir mourir par suicide ou en provocant ses gardiens. Ce n'est que, contre son gré et à son insu, grâce à son interprète, Dong Hanchen (Ding Yuan) qu'il a la vie sauve. Lorsque viendra le moment de trouver une solution à cette détention qui s'éternise, Ma Dasan, qui ne peut assumer l'exécution qui lui incombe par tirage au sort, déclenche, sans le vouloir, une funeste conclusion à ce qui passait, jusqu'à présent, pour une mauvaise plaisanterie.
Les trois-quarts du film sont, en effet, traités sur le mode de la comédie. Par certains aspects, Guizi lai le fait penser à certaines de ces comédies italiennes des années 1960 ou 1970. Le scénario, imprégné de souvenirs et d'images d'enfance de Wen Jiang, mêle astucieusement dialogues savoureux (longs conciliabules théâtralisés des habitants du village...), comique de situation (la fanfare du régiment japonais empêche les prisonniers d'être repérés, la copulation de l'âne chinois et de la jument japonaise...), caricature grotesque, énergie et, élément essentiel, absurde. Quelques exemples : cet ennemi que l'on a sauvé, malgré lui et malgré soi, devient, paradoxalement, l'être honni par ses compatriotes et le bourreau de son protecteur. De plus, le seul personnage réellement lucide du film est celui que l'on croit dément. Pour finir, le tout sombre dans une rage meurtrière totalement insensée, puisqu'au moment où elle s'enflamme, s'éteint le conflit qui aurait pu, peut-être, la justifier. L'absurde dépasse même le strict cadre du film puisque son réalisateur le situait dans le courant des films chinois de guerre anti-japonais alors que le Bureau du film de Beijing le considérait comme trop sympathique à l'égard des anciens occupants. Les spectateurs occidentaux que nous sommes ne sont pas concernés de ce "subtil" différent d'appréciation. L'important est que Guizi lai le soit une œuvre forte, attachante et surprenante. 

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