dimanche 25 janvier 2004

Vai e Vem (va et vient)


"Antigone with the wind."

En découvrant le dernier film de João César Monteiro, sorte de testament cinématographique de ce réalisateur portugais qui aurait eu 70 ans dans quelques jours, le souvenir de ma visite à l'une des dernières expositions de dessins de Picasso à la galerie Kahnweiler m'est irrésistiblement revenu à l'esprit. Un peu comme le génial "cousin" ibère, Monteiro provoque et se met en scène dans une problématique essentiellement érotico-littéraire. La prééminence du sexe n'a, bien sûr, chez un auteur de sa qualité, rien de vulgaire ni de démonstratif. Il n'est qu'un instrument pour mieux conjurer un sort qu'il sait déjà proche et inévitable. Mais c'est aussi l'occasion de dresser un bilan-inventaire à la fois intellectuel, spirituel et politique de cette courte période qui va de l'acte génital/génitif primordial (suggéré par le titre) à la disparition programmée par ce même acte.
João Vuvu est un vieux monsieur un peu désœuvré qui occupe ses journées à se promener en autobus et à recevoir des jeunes femmes répondant à une annonce pour du ménage. Il s'adonne alors, avec elles, à des jeux étranges mais toujours adaptés à leur personnalité. Il en est le maître de cérémonie même si, parfois, la répartition des rôles se fait à son détriment. Il reçoit la visite de son fils, sorti de prison pour vol et meurtre de deux policiers. Cela pourrait en faire un héros à ses yeux, mais la trivial banalité de ses projets lui font renoncer à assumer plus loin cette paternité. Au cours d'une nuit, João Vuvu reçoit l'assaut d'un attribut de rite africain qui manque de l'achever. Hospitalisé, il brave encore une fois le danger et les interdits pour reprendre ses déambulations à travers Lisbonne.
Le cinéma de Monteiro est, reconnaissons-le, difficile, davantage que celui de son compatriote et aîné Manoel de Oliveira. Auteur et acteur de la plupart de ses œuvres, le metteur en scène portugais a construit, en un peu plus de trente ans, un univers singulier et personnel qui contraste absolument avec le cinéma commercial contemporain. Il est celui des cinéastes dont le travail s'apparente (et prolonge ?) le plus avec celui d'un Luis Buñuel, tant par l'étrangeté des atmosphères que par les thèmes développés : rapport de dominance, (a)théisme et érotisme. Vai e Vem est une parabole complexe, oeuvre en prose mise en images et citant volontiers le cinéma américain, dont on ne peut prétendre appréhender la signification intégrale, ce qui crée une certaine frustration, effet probablement recherché par son auteur.
A cela, Monteiro ajoute une dilatation du temps, une dilution du rythme auxquelles n'est plus habitué le spectateur moderne, génératrices d'impatience, là encore délibérément assumée par le réalisateur. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un cinéma de combat : contre le conformisme, le pouvoir, l'idéologie, l'impérialisme (notamment états-unien) et, plus que tout, la bêtise, Monteiro utilise le lyrisme et l'amour. Lyrisme physique et amour désincarné. On aimerait que le septième art n'oublie pas cette équation essentielle. 

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