lundi 12 janvier 2004

Historias mínimas


"Je voudrais savoir si un chien distingue le bien du mal."


Que deviennent les récipiendaires de prix festivaliers de premier plan ? Connaissent-ils une carrière internationale, agrémentée, le cas échéant, par un passage, significatif ou non, à Hollywood ? Ou restent-ils dans une certaine confidentialité ? Le cas Carlos Sorin semble plaider pour la seconde solution. Après avoir reçu un "Lion d'argent" du Festival de Venise en 1986 pour son intéressant premier film, La Película del rey, (l'année où le "fameux" Rayon vert de Rohmer recevait un "Lion d'or"), le réalisateur argentin tournait, trois ans plus tard, un surprenant Eversmile, New Jersey avec un non moins étonnant Daniel Day-Lewis dans le rôle principal. Coproduit par le Royaume-Uni, ce road movie, sans charme véritable, vaut surtout pour son casting anecdotique qui voyait également l'une des rares sorties de Mirjana Jokovic hors du cinéma yougoslave. Très apprécié dans les pays hispanophones (si l'on en croit les nombreux prix glanés en Colombie, Uruguay, Cuba et Espagne) Historias mínimas se situe dans un prolongement thématique des deux précédents. C'est également un road movie qui se passe en Patagonie.
Le titre du film est un slogan : il n'y a rien de spectaculaire à attendre de Historias mínimas, à l'exception, peut-être des quelques vues et de la lumière de ce bout du monde qu'est la Patagonie. Ce qui réunit les trois personnages principaux en villégiature pour San Julian, outre le fait qu'ils se connaissent avant les "événements" relatés et qu'ils se croisent pendant le récit, c'est qu'ils partagent une relation avec les "lettres" et les "illusions". Le film aurait d'ailleurs pu s'appeler "Historias de letras y ilusiones". Les lettres jalonnent le film : elles marquent le handicap définitif de Don Justo dès le pré-générique, elles permettent à María Flores de participer puis de gagner à un jeu télévisé, elles rythment la progression de Roberto vers l'être convoité. Les illusions ou les attentes (en espagnol, esparar signifie aussi attendre) d'un vieillard qui s'invente une relation tragique avec son chien Malacara qu'un mensonge permettra de résoudre, le rêve absurde d'un renouveau par la magie kitsch et frelatée de la télévision pour la jeune femme, enfin les espoirs amoureux contrariés puis réactivés d'une échéance à l'autre chez ce représentant de commerce qui conçoit sa relation à l'autre comme essentiellement transactionnelle.
La simplicité (à défaut de minimalisme), le naturel et la modestie des moyens sont le propre de la réalisation de Sorin. Un déroulement linéaire comme ces longues routes sans virages de la région de Santa Cruz et quelques croisements entre les personnages, mais sans qu'ils n'apportent véritablement de contenu supplémentaire à la narration. A l'exception de Javier Lombardo, les acteurs sont des amateurs, ce qui donne toute sa fraîcheur et son côté documentaire au film. La jolie bande originale donne un cachet singulier aux images qu'elle accompagne. A défaut d'être un bon film, Historias mínimas est un nouveau témoignage sympathique d'un metteur en scène sur sa région de prédilection. 

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