mardi 2 décembre 2003

Tchao pantin


"J'suis déjà mort."

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La onzième réalisation du Claude Berri (si l'on exclut les œuvres collectives) marque une inflexion dans la filmographie du producteur-acteur. Première adaptation d'un roman, après une longue série de scénarii originaux, souvent à contenu autobiographique (et juste avant les deux opus inspirés de Marcel Pagnol), c'est également son premier film authentiquement dramatique.
La gravité caractérise, en effet, Tchao Pantin. Tiré de l'ouvrage homonyme d'Alain Page qui a une coloration de "série noire", le film, structuré en deux parties d'égale longueur, est d'une grande simplicité et d'une excessive modestie de moyens.
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La rencontre fortuite de deux personnages que tout sépare, Bensoussan, un jeune dealer-voleur de "mob", et Lambert, un ancien flic, pompiste de nuit sévèrement "accro" au rhum, va créer entre eux un lien presque filiale. Le premier apporte un peu de vie à la quasi non-existence du second ; celui-ci devient une sorte de confident pour ce jeune homme un peu paumé et sans famille. Lorsque Lambert accepte spontanément de lui faire confiance, en l'aidant financièrement, un soutien qui n'empêche pas le meurtre de Bensoussan, des souvenirs douloureux se font plus intenses et réveillent un désir de vengeance (justice/rachat ?) chez celui qui ne croyait plus en rien.
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Tchao Pantin est une œuvre positivement sordide et noire : ambiances de station-service, de troquets, de piaules et de rues nocturnes ou de petits matins blêmes, enfermement dans une activité, forme d'esclavage, dont il est difficile de sortir vivant ou prostration morbide dans un passé accusateur. Le défaut de familiarité (donc, dans une certaine mesure, de sentiments), est stigmatisé par l'absence de prénoms sauf, paradoxalement, pour les "méchants" ou pour le seule personnage féminin du film. Dans ce contexte profondément sombre et étouffant, l'amitié naissante entre les deux principaux personnages puis la relation trouble, presque absurde, entre Lambert et Lola sont les seules lueurs, les seules "aspirations" dans cet univers fantomatique bien illustré par la musique, elle aussi spectrale, de Charlélie Couture.
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Après avoir laissé fugitivement transparaître son talent dramatique dans La Femme de mon pôte produit par Berri, Coluche, qui avait débuté au cinéma grâce au réalisateur (Le Pistonné en 1970) et tourné avec lui Le Maître d'école en 1981*, trouve, avec Lambert, un rôle non comique "sur mesure", ce qui explique probablement le succès du film et le fait qu'il ait à ce point frappé les esprits au delà de sa valeur intrinsèque. L'acteur trimballe sa silhouette d'antihéros avec une sensibilité et une espèce de nonchalance qui le rendent attachant malgré le peu de charme du personnage. Le "meilleur espoir masculin" (qui n'a pas confirmé !) Richard Anconina, déjà vu dans Inspecteur la Bavure avec Coluche et produit par Berri, obtient un des meilleurs engagements dans un premier rôle de sa carrière (avec Itinéraire d'un enfant gâté de Lelouch et Police de Pialat dans lequel il s'appelait... Lambert). Agnès Soral, elle aussi lancée par Berri (Un Moment d'égarement en 1977), manque de place, en dehors de sa caricature punk, pour réellement convaincre. Last but not least, Philippe Léotard illumine de sa beauté fiévreuse et rauque les quelques rares scènes dans lesquelles il apparaît.
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*Berri a également produit plusieurs films avec l'acteur.

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