jeudi 2 octobre 2003

Tales of Terror (l'empire de la terreur)


"Quelquefois, hélas ! la conscience humaine supporte un fardeau d'une si lourde horreur, qu'elle ne peut s'en décharger que dans le tombeau."
(in "L'Homme des Foules", "Nouvelles Histoires extraordinaires" d'E.A. Poe)

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Comme pour La Chute de la maison Usher, Roger Corman revisite la littérature d'Edgar Allan Poe pour en faire autre chose. En choisissant "Morella" et "La vérité sur le cas de M. Valdemar" tirés des "Histoires extraordinaires" et "Le chat noir" extrait des "Nouvelles Histoires extraordinaires", le réalisateur s'intéresse à la mort et au phénomène de "revenance" (néologisme quasi obligatoire). L'unité narrative ne saute pas aux yeux, notamment à cause de la présence du "chat noir", mais nous allons essayer de mettre en avant ce point commun.
Dans "Morella", dont l'atmosphère et la thématique sont très proches de La Chute de la maison Usher, une malédiction, proférée au moment d'un décès, va frapper un descendant. Dans l'oeuvre, le père n'aime pas son épouse et voue une passion à sa fille. Corman inverse la situation ; dans les deux cas, l'épouse __revient__ à la place de la fille pour se venger de l'époux, ce qui est quasiment un non-sens ou une absurdité dans la cohérence du film (à moins qu'il ne s'appuie sur la trahison).
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Pour "Le chat noir", la subtilité du thème est plus grande. Traité sur le mode de la comédie, le scénario débute tardivement dans le déroulement de la nouvelle. On ne voit ni complicité entre le personnage principal et le chat, ni pendaison de celui-ci. Et il invente un personnage d'amant absent de l'oeuvre et, par conséquent, un double meurtre là où il n'y en avait qu'un. La notion de "revenance" n'est, hélas, pas apparente à l'écran comme elle l'est dans le texte. Car le narrateur, dans sa confession, affirme : "Demain, je serai mort". C'est donc une forme de __retour__ anticipé qui est (aurait été), ici, opérée.
Plus proche de l'œuvre, "La vérité sur le cas de M. Valdemar" met en avant une discipline en vogue à l'époque où écrit Poe, le mesmerisme. Cette méthode, conceptuellement proche de l'hypnose, permettait d'éviter la souffrance aux patients. L'expérience est tentée sur un homme à l'article de la mort et permet de contrôler son esprit une fois décédé. La souffrance infligée va se retourner contre le praticien avec le bref ''réveil'' du mort.
La dimension sexuelle, caractéristique des films du genre, n'est pas oubliée, bien au contraire. Inceste, adultère et désir (viol) sont les catalyseurs des drames qui se nouent.
Nous ne reviendrons pas, en détail, sur la mise en scène, nous vous renvoyons à la critique de La Chute de la maison Usher qui donne des éléments d'analyse critique qui s'appliquent également à ce film. Quelques particularités méritent, toutefois, d'être soulignées : l'utilisation d'incrustation d'image dans "Morella", la déformation de l'image pour évoquer le délire éthylique dans "Le chat noir", la transformation de la voix dans "La vérité sur le cas de M. Valdemar".
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Vincent Price, omniprésent, est tout aussi convaincant en Locke, Fortunato ou Valdemar, étonnamment drôle dans le deuxième rôle. On retrouve avec plaisir Peter Lorre, deux ans avant sa disparition, qui donne au personnage de Montresor Herringbone une bonhomie trouble (!) et inquiétante. Autre géant du cinéma d'épouvante ou de mystère, Basil Rathbone, par sa seule silhouette, crée en "mesmeriste" fou de désir Carmichael, un malaise décisif. Il faut dire que la beauté de "l'objet" de sa convoitise, Debra Paget dans son antépénultième film, est susceptible de réveiller les sens d'un mort !

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