lundi 20 octobre 2003

S.O.S. Noronha


" Il ne faut jamais craindre pour moi." (Jean Mermoz)

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On connaît davantage George Rouquier pour son travail documentaire, Farrebique par exemple, son premier film en occitan, évocation poétique de la vie paysanne. Après un premier film de fiction, Sangre y luces (1954) tiré de l'ouvrage de Joseph Peyré, avec Zsa Zsa Gabor et Daniel Gélin, le réalisateur renouvelle l'expérience, trois ans plus tard, avec un autre roman, celui d'un auteur méconnu, Pierre Viré. Mais S.O.S. Noronha (prononcé noronya en portugais) peut-être catalogué comme un film documentaire pour deux raisons essentielles : le traitement cinématographique, épuré et concis et la réalité des faits qui nous sont narrés.
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L'Aérospostale est la trame de fond du livre et du film. Bref rappel historique : après avoir acheminé le courrier par air jusqu'à Dakar, l'objectif suivant, ambitieux, était de créer une ligne aérienne entre l'Europe (Toulouse) et l'Amérique du sud (Santiago). Jusqu'à cette époque, c'est une liaison navale, par un Aviso de la Marine nationale, entre Saint-Louis du Sénégal et Natal au Brésil, qui s'en chargeait. Lorsqu'en 1927 naît l'Aéropostale (avec la cession entre Latécoère et l'industriel Bouilloux-Lafont), ce projet se met en place (Jean Mermoz avait été dépêché, quelques mois plus tôt, par Pierre Latécoère à Rio de Janeiro comme chef pilote). La première étape, en attendant un appareil capable vaincre l'Atlantique Sud de façon régulière, est l'établissement par Jean Mermoz d'une liaison nocturne entre Rio de Janeiro et Buenos Aires les 16 et 17 avril 1928. C'est n'est que le 12 mai 1930 que Mermoz, accompagné du navigateur Jean Dabry et du radio Léopold Gimié, embarque à bord d'un Laté 28, un monomoteur à flotteurs baptisé "Comte de la Vaulx", pour joindre Natal au départ de Saint-Louis. La liaison sud-Atlantique était née.
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Le film se situe entre ces deux dates, vraisemblablement au cours du mois de janvier 1930 (Mermoz ayant quitté l'Amérique du sud le 30 janvier de cette année). Nous vivons près de vingt-quatre heures de la vie d'une équipe dans une station de météo et de guidage installée là pour suivre les vols des pionniers de la liaison aéropostale avec l'Amérique du Sud. Car les exploits en vol qui ont attiré tous les regards n'ont pu être accomplis que grâce au dévouement, dans l'ombre, de personnes au sol qui les rendait possibles (le film leur est d'ailleurs dédié). Cette station se trouve sur l'île brésilienne de Noronha dont une extrémité à été concédée à la France pour y implanter la base. Un matin, un membre de l'équipe est trouvé assassiné et le matériel endommagé par un prisonnier du pénitencier voisin, employé aux basses besognes. Car un mouvement de révolution s'est déclaré à Rio de Janeiro et les prisonniers, politiques et de droit commun mélangés, en profite pour se mutiner, tuer les habitants de l'île et saccager tout ce qu'ils trouvent sur leur passage. Le gouverneur et sa famille trouvent refuge dans la base française, poursuivis par les mutins. Les assaillants reculent d'abord, mais ce n'est là qu'un répit. Parallèlement, les techniciens de la station doivent s'affairer à leurs tâches quotidiennes et aident Jean Mermoz à la réussite de sa 53e tentative de décollage de Natal en direction de Dakar.
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La mise en scène de Rouquier est d'une grande sobriété pour ce drame classique (unité de lieu, de temps et d'action) et authentique. Elle capte les faits tels qu'ils se produisent, dans une traduction très néoréaliste de l'ouvrage. Et comme le récit est intéressant et prenant, le film l'est aussi si l'on accepte les ruptures de rythme et sa longue première partie un peu "technique". Les différences entre comédiens français (réputés) et acteurs brésiliens ne sont même pas sensibles tant le parti pris de réalisme et d'équilibre fonctionne bien.
Cette distribution réunit Jean Marais dans le rôle de Frédéric Coulibaud, le chef de la station, énergique, déterminé. Après une première scène un peu théâtrale, l'acteur se départit de son jeu scénique et devient son personnage. Il retrouve, à ses côtés, deux acteurs avec lesquels il a déjà tourné : Daniel Ivernel, lui aussi remarquable de naturel et Yves Massard, plus discret mais lui aussi convaincant. Vanja Orico, qui a déjà plusieurs films à son actif dont Luci del varietà (1950) de Federico Fellini et Alberto Lattuada déploie une grande énergie dans le rôle de la fille du gouverneur. Le réalisateur et scénariste, ici acteur dans son premier film, Ruy Guerra interprète efficacement le plus jeune membre de l'équipe et José Lewgoy (disparu en début d'année, que Werner Herzog avait mis en tête d'affiche dans Fitzcarraldo en 1982) est crédible dans le rôle du gouverneur.

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