mardi 30 septembre 2003

Gongdong gyeongbi guyeok JSA (joint security area)


"Si jamais une guerre éclate, nous aussi, on doit tirer l'un sur l'autre ?"

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Je l'avoue bien volontiers, je ne faisais pas partie des 10 868 spectateurs qui ont assisté aux projections de Boksuneun naui geot au cours de ses trois semaines d'exploitation de ce mois de septembre 2003. Je n'étais pas non plus à Cognac, en avril dernier, pour sa présentation dans le cadre du Festival du film policier. J'aurais, peut-être, vu différemment le précédent film du scénariste et réalisateur coréen Park Chan-wook, son premier, Gongdong gyeongbi guyeok JSA. On est, pourtant, d'emblée séduit par la fraîcheur que dégagent ces films "ethniques", issus de pays qui n'occupent pas les premières places parmi les producteurs et diffuseurs de cinéma internationaux.
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Librement adapté de l'ouvrage de Park Sang-yeon, "DMZ"*, Gongdong gyeongbi guyeok JSA est, au delà de l'intrigue militaro-politique, un film sur l'enfermement et sur l'absurde, celui d'une vision manichéenne du monde qui reste, plus que jamais, d'actualité. Point de départ, le double meurtre de soldats nord-coréens autour du "Pont de non-retour" de Panmunjom qui marque la frontière entre les deux Corée. Meurtres auxquels nous n'assisterons que dans la recréation narrative et contradictoire des différentes dépositions. Le film est, à partir de cet événement initial, structuré en trois parties.
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La première, sérieuse, et même dramatique, est celle de la mise en place de la commission neutre d'enquête qui permet une exposition provisoire des situations et des faits. Le metteur en scène a choisi, dans ce contexte, de remplacer le personnage de l'enquêteur masculin du N.N.S.C.** du roman par une femme, de surplus métisse puisque de père coréen et de mère suisse. L'objectif : multiplier les verrous de l'enfermement déjà évoqué ; ceux d'un pays divisé, d'une société fermée, d'une armée cloisonnée et d'une femme étrangère dans un milieu essentiellement masculin.
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La deuxième partie, en flash-back, contrastée, alternant gravité et légèreté, voire enfantillages, décrit la naissance (possible) d'une fraternité entre ennemis intimes. Les enjeux, à partir d'un sauvetage, restent vagues : recrutement, volonté de s'affranchir des limites, homosexualité... La troisième et dernière partie permet la résolution/révélation, de l'énigme et du personnage du Major Sophie E. Lang, grâce notamment à une mise en perspective historique qui est un des éléments les plus intéressants du film dans cet espace restreint qui se situe entre "cocos et anti-cocos".
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La mise en scène de Park Chan-wook est, bien que parfois maladroite, étonnante de maturité pour un premier film. Surtout si l'on a à l'esprit la difficulté de tourner en Corée, en particulier un film au sujet aussi sensible. L'une des références visibles (et avouées) du cinéaste est Alfred Hitchcock. Gongdong gyeongbi guyeok JSA est construit comme un thriller qui, comme chez le maître, sème les fausses pistes, utilise le principe des scènes paires qui se répètent avec un autre sens et manie l'humour (parfois salace) aux moments les plus inattendus. Sur le plan visuel, la réalisation technique est "globalement" maîtrisée. Précision des cadrages, variété des plans (avec, par exemple, des travellings circulaires ou mouvements de pivotement de la caméra qui n'ont rien de gratuits) et un sens de la géométrie qui donnent un réel intérêt graphique au film.
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L'interprétation est, dans la limite de ce que peut juger un esprit occidental qui connaît moins bien le cinéma coréen que le chinois ou le japonais, est équilibrée. Les cinq personnages principaux sont convaincants : la rationelle Lee Yeong-ae (major Sophie E. Lang), le trouble Lee Byung-hun (sergent Lee Soo-hyeok), le solide Song Kang-ho (sergent Oh Kyeong-pil) et les fragiles Kim Tae-woo et Shin Ha-kyun (respect. Nam Sung-shik et Jeong Woo-jin).
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*(Korea) DeMilitarized Zone
**Neutral Nations Supervisory Commission

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