jeudi 31 juillet 2003

Le Stade de Wimbledon


"Ecris-moi le nom des morts. Quand ils seront tous morts, je reviendrai à Trieste."

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Ce second long-métrage de l'acteur-réalisateur Mathieu Amalric est, pour le moins, intrigant et déroutant. Adapté, librement mais sans scénario, du premier roman de l'écrivain italien Daniele Del Giudice, choisit au hasard dans une bibliothèque, il dépeint avec un minimalisme non péjoratif, l'enquête d'une jeune femme sur un écrivain qui n'a jamais publié de son vivant.
On est, paradoxalement, irrité et séduit tout à la fois par cette succession de déplacements, visites et témoignages sensés donner corps à un personnage quasi légendaire. Tout autant malmené par les vraies-fausses pistes que constituent l'affiche du film (objectivement peu représentative, symbolisme du temps suspendu, de solitude et de dérive), son titre (la scène de clôture qui se passe dans le "temple" du tennis londonien dure une minute, métaphore de l'absence et du vide) et son introduction (on y parle anglais mais on est en Italie). Sur le thème des quatre saisons, le film "caresse" la ville de Trieste, d'abord sur un mode essentiellement intellectuel puis sur une variation plus sensuelle. Réalité et fiction cohabitent comme yougoslaves et italiens se partageaient la ville de Trieste jusqu'en 1954. Malgré l'abondance de photographies de Bobby Vohler, son visage reste inconnu des spectateurs, lequel est maintenu dans une forme d'imaginaire fabuleux. Ljuba Blumenthal (Esther Gorintin) ne fait-elle pas également remarquer à la jeune femme (dont nous ne connaîtrons pas le nom), que son ouvrage comporte de nombreuses inventions ? Le film est une parabole un peu circulaire, comme cette forme tracée par l'homme du café (Jean-Paul Franceschini) sur la table pendant son témoignage.
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D'un peu plus d'une heure, l'intemporel Stade de Wimbledon est attachant parce qu'il parvient à mettre en images ce "Je ne sais quoi et presque rien" cher à Jankélévitch. Les transitions ont autant d'importance que le récit lui-même. Les silences et les regards de Jeanne Balibar sont aussi précieux que ses questions et ses réponses. L'actrice est souvent en monologue ou en narration (parfois un peu formels), mais cela ne perturbe en rien le rythme du film.
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Sur le plan visuel, l'approche d'Amalric et Christophe Beaucarne est plutôt photographique et géométrique (d'ailleurs, la présence de géomètres et d'un militaire ingénieur l'atteste s'il en était besoin). Elle donne au film un côté "beau livre illustré" mais sans volonté de démonstration graphique pour autant. C'est en même temps du cinéma vivant, des obstacles s'interposent entre les acteurs et la caméra et celle-ci n'est pas absente de l'action (étrange scène de plage dans laquelle les figurants la fixent comme s'ils dévisageaient l'actrice principale).
Enfin, Grégoire Hetzel, l'auteur de la musique originale un peu (dé)concertante, a parfaitement su traduire l'atmosphère requise dans un registre lui aussi minimaliste, répétitif et lumineux comme une pluie d'été.

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